La Rose de Sang
aider.
— Madame...,
murmura Zéphyrine, ma gratitude...
— Ne renversons pas
les rôles, c'est la nôtre, celle de Madame ma mère et la mienne, qui vous est
acquise, Zéphyrine, nous savons votre courage à Pizzighettone et à Rome pour
tenter de délivrer le roi [14] .
Notre reconnaissance vous est d'ores et déjà acquise. Après Pavie, nous avons
compté nos fidèles... Allons, que puis-je exactement faire pour vous ? demanda
avec simplicité Marguerite.
Zéphyrine regarda
avec émotion la princesse. Agée alors de trente -quatre
ans, Marguerite d'Angoulême, fille de Charles d'Orléans et de Louise de Savoie,
sœur de François I er , veuve de Charles IV, duc d'Alençon, possédait
de grands yeux tendres, un peu embués, une bouche charmante, attestant sa
sensualité, au milieu d'un visage aussi rond que doux.
Elle n'était pas
vraiment jolie, mais Marguerite était si aimable que son sourire, son charme,
son intelligence et sa noblesse de caractère lui alliaient tous les cœurs.
— Madame,
il faut que j'approche l'empereur, pour lui réclamer mon époux, s'il est
toujours en vie...
— Sans
sauf-conduit, vous ne pourrez parvenir jusqu'à lui, Zéphyrine.
— Hélas,
je le sais.
— Vous
n'en avez pas, mais nous en avons un..., dit finement Marguerite. Charles Quint
a bien été obligé de me faire remettre un sauf-conduit pour aller voir Monsieur
mon frère. Il a été écrit : « Délivré à Madame Marguerite de France et ses
dames d'honneur », sans en préciser le nombre. A partir de ce soir, je vous
prends dans mes dames, vous passerez partout et le tour sera joué...
Marguerite
paraissait assez satisfaite d'en jouer un au vainqueur de son frère.
— Madame,
je dois dire à Votre Altesse que je ne suis pas seule..., murmura Zéphyrine.
Marguerite fit un
geste signifiant « Balivernes ».
— Votre
escorte se joindra à la nôtre demain matin...
Marguerite
d'Angoulême considéra la triste robe noire de Zéphyrine.
— Simplement,
il faut qu'on vous habille, ma chère enfant!
Elle tapa dans ses
mains. Le porteur de lanterne réapparut.
— Silvius,
ordonna Marguerite, occupez-vous de la princesse Farnello, une amie dévouée à
notre cause. Allez, Zéphyrine, et que Dieu vous garde.
L'audience était
terminée.
Zéphyrine baisa la
main de la princesse et sortit à reculons.
Simon de La Haye [15] ,
que la princesse appelait du diminutif affectueux de Silvius, s'occupa avec
dévouement de Zéphyrine.
Comme la jeune
femme s'étonnait que Marguerite ait trouvé asile en ce palais de grands
d'Espagne, Silvius lui expliqua que les ducs de Mendoza avaient offert leur
résidence à la princesse pour ménager le roi de France et « arranger » Charles
Quint qui n'avait pas envie de la recevoir dans ses propres demeures.
Silvius ajouta que
François I er était populaire en
Espagne, et que le peuple ainsi que les aristocrates étaient choqués de le
savoir en cruelle détention.
Vêtue, comme la
princesse Marguerite et ses dames, de blanc (la couleur du deuil royal),
Zéphyrine repartit le lendemain dans des conditions beaucoup plus confortables.
Au soleil, dans ses
vêtements soyeux et neufs, dont la clarté faisait ressortir son teint et l'or
roux de ses cheveux, Zéphyrine, telle une chrysalide, renaissait, retrouvait sa
beauté, sa santé.
Le matin à l'aube,
elle avait même eu faim et bu avec plaisir le bouillon de poule aux œufs
qu'Emilia lui avait préparé.
Zéphyrine n'avait
qu'un regret. Elle n'avait pas revu le grand maître pour le remercier. Villiers
de L'Isle-Adam était parti à l'aube pour Tolède où il espérait « coincer » Charles
Quint.
Quatorze lieues
séparaient Guadalajara de Madrid. II fallait environ quatre ou cinq
jours aux attelages, chevaux, mulets, litières, chariots tirés par des bœufs,
pour les franchir.
Souvent, la
princesse Marguerite demandait à Zéphyrine de venir dans son carroche pour
deviser.
— Sagesse ! Savoir
! Sardine ! croassait Gros Léon.
Zéphyrine prenait
plaisir à argumenter avec la princesse. Marguerite était fort instruite. Seule
Zéphyrine pouvait lui tenir tête. La princesse était plus forte en hébreu.
Zéphyrine possédait mieux le grec.
A ces joutes
intellectuelles qu'elle avait tant aimées, Zéphyrine retrouvait tout son
savoir.
Bien que veuve
depuis peu, la princesse Marguerite allait se remarier
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