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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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ceux que nous avons en commun, m’apportent un corps tel que
celui-ci. Fort intéressant, d’ailleurs : regardez ce crâne et cette
expression du visage. Aucun de ces pauvres hères que je taille d’habitude ne
saurait en avoir une semblable.
    Ce faisant, il se mit à
taillader les joues de Prunelle de Lierre. Il les découpa fort proprement et
les fit pendre de côté. Maintenant, le mort riait de toutes ses dents.
    Sénart se leva et se rapprocha
de la table. Jetant un coup d’œil discret sur ce qui s’y trouvait, il demanda
avec légèreté, comme s’il s’agissait d’un détail insignifiant :
    — À ce propos, dites-moi,
monsieur Fragonard. Avez-vous jamais travaillé sur des créatures
vivantes ?
    Marie-Adélaïde sursauta. Son
compagnon avait changé de ton en prononçant ces derniers mots : plus
incisif, presque autoritaire. La réaction de Fragonard l’étonna : le
vieillard perdit immédiatement toute sa superbe. Il lâcha son couteau, qui tomba
avec grand bruit sur le carrelage, et se mit à trembler tout en détournant les
yeux :
    — Moi, mais jamais bien sûr. Je
suis anatomiste et…
    — Vous mentez !
    Cette fois-ci, le secrétaire
rédacteur se fâchait : il avait presque crié et prenait maintenant son
interlocuteur par le col. La Sibylle se leva.
    — Gabriel !
    Mais Sénart continua :
    — Je sais que tu l’as fait,
arrête de mentir. Tu as travaillé sur un être vivant, il ne peut en être
autrement et l’Être suprême sait quelle diablerie tu lui as fait subir. Allons,
parle, je veux savoir.
    Fragonard changea d’attitude du
tout au tout. Il se mit à pleurnicher. Ses mains tremblaient et il tenait à
peine sur ses jambes.
    — S’il vous plaît, pitié. Je ne
savais pas ce que je faisais. Il ne faut pas parler de cela, c’est interdit.
    — Citoyen Fragonard, au nom de
la République et du Comité de sûreté générale que je représente, je te somme de
me révéler à l’instant tout ce que tu sais.
    Il le relâcha et l’anatomiste
retomba sur le sol, comme brisé.
    — Oui, j’aurais dû me douter
que cela était mal… Mais je ne savais pas à l’époque… Peut-être aurais-je dû le
tuer, mais si vous saviez comment il m’a regardé. Moi, je dissèque les morts,
je n’ai jamais tué personne. Alors lui…
    Sénart se fit plus doux, il
aida Fragonard à se relever et alla l’asseoir sur un des bancs de
l’amphithéâtre.
    — Allons, confie-moi tout. Le
Comité se montrera peut-être indulgent. Je crois, citoyen, que des individus
bien plus intelligents et méchants que toi ont profité de ta naïveté. Est-ce
que je me trompe ?
    L’anatomiste chancelait. Sénart
attendit un long moment. L’homme marmonnait des paroles incompréhensibles.
    « Ils me
tueront ! » furent les seuls mots qu’il put tirer de lui.
    — Tu seras jugé, citoyen.
    — Devant le Tribunal
révolutionnaire, Fouquier-Tinville n’a jamais accordé de grâce à qui que ce
soit.
    — Certainement plus que tes
« amis ». D’ailleurs, tu as des relations influentes, un certificat
de civisme. Tu sièges à une commission.
    Le vieillard finit par hocher
la tête.
    — Oui, c’est vrai. David, avec
tous les cadavres que je lui ai procurés, me doit bien cela. D’accord, vous
saurez tout. L’origine du démon, le centième membre de la loge des frères de
l’ombre…
     

17
            
    J’ai mal, j’ai mal, j’ai mal.
Ce sont mes jambes mais bientôt, ce seront mes bras. Voilà du temps que je suis
couché par terre. À travers le tissu de ma culotte, je sens le bois et ses
échardes qui me frottent. Ça va devenir insupportable. Il va falloir que je
change de position. Mais le père et la mère sont en train de parler. J’ai envie
de les écouter.
    — Le père, je pense que le
petit est malade.
    — Voyons, la mère, il est un
peu maigre, c’est vrai et il crie tout le temps mais il faut bien qu’il se
fasse.
    — C’est pas normal qu’il crie
comme ça. Un enfant ça veut dire quelque chose quand ça crie : ça a faim,
ça a peur, ça a fait dans ses langes… Mais lui, il crie parce qu’il a
mal ! D’ailleurs ça a dû lui monter au cerveau ou quelque chose comme
cela : il a huit ans et il parle même pas.
    — Il ne sera pas bavard, c’est tout.
Ça me changera d’ailleurs agréablement dans cette maison.
    Tu bois trop et on dit que
c’est pas bon pour les enfants !
    — Tais-toi, la vieille.
Toi-même tu ne dis pas non à un coup de goutte de

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