La Vallée des chevaux
reniflé la
peau, elle en avait saisi à son tour un bout entre les dents. Lorsque Ayla arrêtait
de jouer, la jument et le lion continuaient à tirer chacun de leur côté.
A un moment donné, Bébé prit l’habitude de traîner une peau sous
son corps et entre ses pattes antérieures, comme, plus tard, il traînerait une
proie – et d’aller la placer sur le passage de la jument pour
l’inciter à en saisir une des extrémités et à jouer avec lui. Et en général,
Whinney se pliait à ses désirs.
Le lionceau avait inventé un autre jeu que la jument appréciait
moins, même si lui le trouvait irrésistible : il jouait à lui attraper la
queue. Il commençait par s’approcher furtivement de la jument. Accroupi
derrière elle, il regardait cette queue qui battait l’air et bougeait d’une
manière si tentante tandis qu’il se relevait sans bruit, tremblant
d’excitation. Il frétillait à l’idée de ce qui allait suivre, puis bondissait,
ravi de pouvoir refermer la gueule sur une grosse touffe de poils. Parfois,
Ayla aurait juré que la jument était partie prenante de ce jeu et que,
parfaitement consciente de l’intense désir que provoquait sa queue, elle
faisait semblant de ne rien remarquer. La jeune jument était joueuse, elle
aussi. Et, avant que le lionceau arrive, il n’y avait personne pour s’amuser
avec elle. Ayla aurait été bien incapable d’inventer des jeux : elle ne
savait pas ce que c’était.
Quand Whinney en avait assez de ce jeu, elle se retournait
contre l’attaquant et lui mordait la croupe. Même si elle était patiente, il
n’était pas question qu’elle renonce à son rôle dominant. Bébé avait beau être
un lion des cavernes, il était encore tout jeune. Si Ayla était sa mère,
Whinney devint sa nurse. Jouer ensemble les avait déjà rapprochés, mais
l’attitude tolérante de Whinney se transforma bientôt en une prise en charge
beaucoup plus active. Et ce, pour une raison bien précise : Bébé adorait
le crottin.
Les excréments des carnivores ne l’intéressaient pas. En
revanche, il aimait les excréments des herbivores et quand ils allaient tous
les trois dans les steppes, il se roulait dans tous ceux qu’il trouvait. Pour
l’instant, c’était avant tout un jeu. Mais cette habitude l’aiderait plus tard
à chasser : l’odeur des excréments de sa proie masquerait sa propre odeur.
Cela n’empêchait pas Ayla de rire aux éclats chaque fois que le lionceau
découvrait un nouveau tas d’excréments. Il avait une prédilection pour les
crottes de mammouth qu’il désagrégeait avec ses pattes avant de se coucher
dedans.
Mais il y avait encore mieux que les crottes de mammouth :
c’était le crottin de Whinney. Le jour où il découvrit la réserve de crottin
sec qu’Ayla conservait, en plus de son bois, pour alimenter le feu, ce fut une
véritable révélation. Il éparpilla le crottin partout, se roula dedans, joua
avec et finit par s’enfouir au fond du tas – ou plutôt, de ce qu’il
en restait. Quand Whinney revint à la caverne, elle renifla le lionceau et
reconnut sa propre odeur. A partir de ce moment-là, elle abandonna toute
nervosité à son égard et l’adopta complètement. Elle se mit à l’emmener avec
elle, veilla sur lui et même si parfois certains comportements du lionceau
l’étonnaient, cela ne l’empêcha pas de continuer à prendre soin de lui.
Cet été-là, Ayla fut plus heureuse qu’elle ne l’avait jamais
été depuis qu’elle avait quitté le Clan. Whinney avait été pour elle plus
qu’une amie et elle ne savait pas ce qu’elle serait devenue si elle avait dû
passer l’hiver sans la réconfortante présence de la jument. Mais grâce au
lionceau, Ayla découvrit que, dans la vie, on pouvait aussi rire et s’amuser.
Par une chaude journée d’été, ils étaient tous les trois dans la
prairie, non loin de la rivière. Whinney et Bébé venaient d’inventer un nouveau
jeu. Ils se pourchassaient en formant un grand cercle. D’abord, le lionceau
ralentissait l’allure juste assez pour que la jument puisse le rattraper. Il
restait en tête et, tandis que Whinney ralentissait, il parcourait le cercle à
vive allure jusqu’à ce qu’il se retrouve derrière elle. Whinney filait devant,
parcourait le cercle à son tour tandis que Bébé réglait son allure sur la
sienne avant de la dépasser, et la jument finissait par se retrouver à nouveau
derrière lui. Le jeu alors recommençait. Ayla
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