La Vallée des chevaux
semblait-elle soudain si désireuse d’apprendre sa
langue alors que jusqu’ici elle s’était refusée à parler ? Parler !
Elle essayait d’apprendre à parler ! Était-il possible qu’elle ne sache
pas parler et qu’elle veuille apprendre ?
— Bois, dit-il en montrant le bout de bois qu’elle tenait à
la main.
— Bo... ?
— Bois, répéta Jondalar en articulant lentement et avec
exagération.
— Booa, répéta Ayla en imitant les mouvements de sa bouche.
— C’est mieux, dit-il en hochant la tête.
Le cœur d’Ayla cognait dans sa poitrine. Avait-il compris ?
Allait-il continuer ? Comme elle jetait un coup d’œil affolé autour
d’elle, elle aperçut le bol dans lequel il avait bu. Elle s’en saisit et le
tendit vers lui.
— Es-tu en train de me demander de t’apprendre à
parler ?
Ayla secoua la tête en signe d’incompréhension et tendit à
nouveau le récipient.
— Qui es-tu donc, Ayla ? D’où viens-tu ? Comment
peux-tu faire autant de choses et être incapable de parler ? Pour moi, tu
es vraiment une énigme. Mais j’ai l’impression que si je veux en savoir plus à
ton sujet, il faut d’abord que je t’apprenne à parler.
Tenant toujours le bol à la main, Ayla s’assit à côté de lui et
attendit avec inquiétude qu’il lui réponde. Elle avait l’impression qu’en
disant autant de mots il risquait d’oublier celui qu’elle lui demandait. Elle
souleva le bol pour lui rappeler sa question.
— Que veux-tu savoir ? « Boire » ou
« bol » ? J’ai l’impression que ça n’a pas grande importance.
Bol, dit-il en touchant le récipient.
— Bol, répéta Ayla, avec un sourire de soulagement.
Jondalar saisit l’outre pleine d’eau et en versa un peu dans le
bol.
— Eau, dit-il.
— Eau, répéta Ayla sans trop de difficulté.
Lui prenant le bol des mains, il l’approcha de ses lèvres.
— Boire, dit-il.
— Boir-reu, dit Ayla après lui en roulant le r et en
avalant un peu les syllabes. Boir-reu-eau.
21
— Regarde comme il fait beau, Ayla ! Je ne peux pas
rester plus longtemps dans cette caverne. Je vais beaucoup mieux. Je suis sûr
que je pourrais sortir. Au moins faire quelques pas dehors...
Ayla n’avait pas saisi tout ce que Jondalar venait de dire, mais
elle avait compris le sens général : il désirait sortir.
— Nœuds, répondit-elle en touchant les points de sa jambe.
Enlever nœuds. Demain matin, voir jambe...
Jondalar sourit d’un air victorieux.
— Tu vas enlever ces nœuds et demain, je pourrai sortir.
Même si Ayla avait du mal à s’exprimer, ce n’est pas pour autant
qu’elle allait lui faire une promesse qu’elle ne pourrait pas tenir.
— Jambe pas... guérie, dit-elle après avoir cherché ses
mots. Gon-da-lah pas sortir.
Jondalar sourit à nouveau. Il avait essayé de profiter du fait
qu’elle ne le comprenait pas parfaitement pour lui forcer un peu la main. Elle
ne s’était pas laissé faire et avait réussi à se faire entendre. Peut-être ne
le laisserait-elle pas sortir demain, mais pour ce qui était d’apprendre à
parler, elle faisait des progrès rapides.
Elle apprenait vite, mais d’une manière inégale. L’étendue
actuelle de son vocabulaire était tout à fait étonnante : il suffisait
qu’il lui dise une seule fois un mot pour qu’aussitôt elle le sache par cœur.
Il avait passé la majeure partie d’un après-midi à nommer tous les objets qui
leur venaient à l’esprit et, à la fin, Ayla avait répété sans se tromper tous
les mots qu’il venait de lui apprendre en montrant les objets correspondants.
En revanche, elle avait des problèmes avec la prononciation. Elle était
incapable de reproduire certains sons quels que soient ses efforts.
Jondalar aimait néanmoins sa manière de parler : elle avait
une voix grave, agréable, qui sonnait de façon étrange à cause de son accent.
Pour l’instant, il ne corrigeait pas sa manière d’assembler les mots :
cela viendrait plus tard. Mais elle avait d’énormes difficultés dès qu’ils
abordaient des mots désignant des choses et des actions spécifiques. Les
concepts abstraits les plus simples lui posaient problème : elle aurait
voulu, par exemple, qu’il existe un mot distinct pour chaque nuance de couleur
et elle avait du mal à comprendre qu’on utilise le mot vert pour
désigner à la fois le vert foncé des aiguilles de pin et le vert pâle des
feuilles de saule. Chaque fois
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