La Vallée des chevaux
il faisait le plus sombre. La falaise lui donnait
un sentiment de sécurité qu’elle n’avait jamais éprouvé dans les immenses
plaines et elle ne jugea pas utile de monter sa tente. Elle étendit sa fourrure
sur le sol, s’y coucha et rabattit les pans sur elle. Avant de s’endormir, elle
aperçut la lune dont le disque presque plein se détachait en haut du ravin.
Elle se réveilla en poussant un cri. Terrorisée, le cœur battant
à tout rompre, elle se leva brusquement et tenta de percer les épaisses
ténèbres qui l’entouraient. Il y eut comme une détonation et, au même instant,
la lueur d’un éclair l’aveugla. Tremblante de peur, elle bondit sur ses pieds.
Elle vit alors la cime d’un grand pin, qui venait d’être frappé par la foudre,
glisser lentement vers le sol, retenue dans sa chute par la partie du tronc à
laquelle elle s’accrochait encore. Aussitôt l’arbre se mit à flamber, projetant
des ombres grotesques sur la paroi rocheuse.
Puis il se mit soudain à pleuvoir. Le feu qui, l’instant
d’avant, crépitait, chuinta sous l’assaut de la pluie diluvienne et finit par
s’éteindre. Blottie contre la paroi, ne sentant ni les larmes qui lui
mouillaient le visage ni la pluie, Ayla était encore sous le coup du cauchemar
qui l’avait réveillée. Semblable au grondement d’un tremblement de terre, le
premier coup de tonnerre avait réactivé un rêve fréquent, dont elle ne se
souvenait jamais très bien au réveil mais qui provoquait chez elle un sentiment
nauséeux d’inquiétude et une tristesse accablante. Un autre éclair illumina la
nuit et Ayla aperçut à nouveau le tronc brisé par la foudre.
Terrorisée, elle saisit son amulette. Le tonnerre et les éclairs
n’étaient qu’en partie responsables de la crainte irraisonnée qu’elle éprouvait.
Elle n’avait jamais aimé les orages, mais elle y était habituée. Elle savait
qu’ils étaient plus bénéfiques que destructeurs. Plus encore que l’orage, c’est
le cauchemar qu’elle venait de faire qui l’avait bouleversée. Au cours de sa
vie, chaque fois que la terre avait tremblé, elle avait été séparée de ceux
qu’elle aimait : à l’âge de cinq ans, elle s’était soudain retrouvée seule
au monde et plus récemment, elle avait perdu Creb pour toujours.
Elle finit par se rendre compte qu’elle était mouillée et sortit
sa tente de son panier. Elle la posa par-dessus la fourrure, se glissa à
l’intérieur et cacha sa tête sous la peau d’aurochs. Le contact de la fourrure
la réchauffa mais elle avait toujours aussi peur. Elle attendit que l’orage se
calme pour oser se rendormir.
Quand elle se réveilla, toutes sortes d’oiseaux pépiaient,
gazouillaient ou croassaient dans l’air matinal. Repoussant la couverture en
peau, Ayla contempla avec délice cet univers verdoyant qui, encore humide de
pluie, étincelait sous le soleil. Elle se trouvait sur une grande plage
rocheuse. A cet endroit, la petite rivière, dont le cours était orienté vers le
sud, obliquait légèrement vers l’est.
Sur la rive opposée poussaient des pins vert sombre dont la cime
atteignait le haut de la paroi mais sans jamais la dépasser. Toutes les
tentatives qu’ils avaient faites pour la dominer avaient été arrêtées net par
le vent qui soufflait dans les steppes. Les arbres les plus grands avaient donc
une curieuse forme aplatie et, comme la croissance de leurs branches était
stoppée en hauteur, celles-ci bifurquaient sur les côtés. La symétrie presque
parfaite d’un immense pin était ainsi rompue par sa cime qui avait poussé à
angle droit par rapport au tronc. Non loin de là, la cime d’un autre pin s’était
carrément retournée, poussant en direction du sol, et formait une sorte de
moignon déchiqueté et charbonneux. Tous ces arbres avaient poussé sur une
étroite bande de terre entre la paroi et la berge et si près de l’eau parfois
que leurs racines se trouvaient à découvert.
Sur la rive où se tenait Ayla, un peu en amont, des saules
pleureurs se penchaient au-dessus de la rivière. Un peu plus haut, agitées par
une douce brise, les feuilles des trembles bruissaient. Il y avait aussi des
bouleaux à écorce blanche et des aulnes à peine plus gros que des arbustes. Des
lianes grimpaient et s’enroulaient autour des arbres et la rivière était bordée
de buissons couverts de feuilles.
Ayla avait voyagé si longtemps dans les steppes qu’elle avait
presque oublié à quel
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