La Vallée des chevaux
Il haussa les épaules en mettant ça
sur le compte de la langue.
Le soir même et pendant toute la journée du lendemain, les
deux frères eurent à peine le temps de se voir car Jondalar devait accomplir
les rites de purification. Même quand Tamen était présent, sa méconnaissance de
la langue hadumaï constituait un terrible handicap. Et, quand il se retrouvait
tout seul avec les vieilles femmes renfrognées, il avait bien envie de tout planter
là. Heureusement, Haduma venait souvent le voir. En sa présence il se sentait
plus détendu car elle faisait tout son possible pour aplanir les difficultés.
Ses désirs étaient des ordres et personne n’osait lui refuser
quoi que ce soit. Elle était crainte et respectée à la fois. L’aura magique qui
l’entourait venait surtout du fait qu’elle avait conservé toutes ses facultés
mentales malgré son grand âge. Elle avait d’ailleurs le don d’intervenir chaque
fois que Jondalar était en difficulté. A un moment donné, alors qu’il était
certain d’avoir transgressé un tabou sans le vouloir, les yeux brillants de
colère, elle brandit son bâton et se mit à rosser les vieilles femmes qui se
trouvaient là. Maintenant qu’elle avait décidé que la sixième génération hériterait
des yeux bleus de Jondalar, il n’était pas question qu’elle s’en prenne à lui.
En fin de journée, quand les rites purificatoires furent
terminés, on le conduisit vers la grande tente circulaire. Dès qu’il eut
pénétré à l’intérieur, il s’immobilisa pour regarder autour de lui. La tente
était divisée en deux parties. Celle où il se trouvait, bien plus grande que
l’autre, était éclairée par deux lampes en pierre, remplies de graisse et dans
lesquelles brûlaient des mèches de mousse sèche. Le sol était recouvert de
fourrures et les murs décorés de tentures formées de bandes d’écorce
entrelacées. Derrière l’estrade couverte de fourrures était suspendue la peau
d’un cheval blanc, décorée de têtes rouges de jeunes pies épeiches. Noria était
assise tout au bord de l’estrade et elle semblait perdue dans la contemplation
de ses deux mains posées sur ses genoux.
Des peaux suspendues et couvertes de signes ésotériques
servaient de cloison entre les deux parties. L’une de ces peaux, découpée en
fines lanières, formait une sorte de rideau. Quand Jondalar regarda de ce côté,
il aperçut une main qui écartait les bandes de cuir et reconnut aussitôt les
yeux brillants d’intelligence d’Haduma. Il poussa un soupir de soulagement.
Lors des Premiers Rites, il y avait toujours au moins une gardienne pour
veiller à ce que la transformation de la jeune fille en femme soit menée
jusqu’à son terme et sans brutalité. Comme il était un étranger, il avait
craint qu’on ne lui délègue un important groupe de gardiennes qui, ensuite, n’hésiteraient
pas à le critiquer. Maintenant qu’il avait reconnu Haduma, il n’éprouvait plus
aucune inquiétude. Il se demanda s’il devait la saluer ou faire comme s’il ne
l’avait pas vue. Avant qu’il ne prenne une décision, les lanières en cuir
retombèrent et le visage de la vieille femme disparut.
Levant les yeux, Noria l’aperçut et aussitôt elle se mit debout.
Jondalar s’avança vers elle en souriant. Elle n’était pas très grande et ses
longs cheveux châtain clair lui encadraient le visage. Elle était pieds nus et
portait une jupe en fibre végétale, serrée à la taille, et dont les bandes de
couleurs descendaient au-dessous de ses genoux. Son buste était couvert d’une
chemise en daim souple ornée de plumes ébarbées et teintes, fermée de haut en
bas par des lacets en cuir et suffisamment ajustée pour mettre en valeur sa
poitrine.
Quand Jondalar s’approcha, elle tenta vainement de lui sourire
et lui lança un regard effrayé. Il alla s’asseoir sur l’estrade en prenant bien
garde à ne faire aucun mouvement brusque. Noria se détendit un peu et finit par
s’asseoir à côté de lui, pas assez près malgré tout pour que leurs genoux se
touchent.
Si nous parlions la même langue, ce serait plus facile,
songea-t-il. Elle a peur de moi. Et c’est normal : non seulement elle ne
me connaît pas, mais je suis un étranger.
Il avait soudain envie de la protéger et commençait à la trouver
attirante.
Il aperçut sur un socle tout proche un récipient en bois et deux
bols, et voulut se lever pour aller se servir. Mais Noria le devança et
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