La Vallée des chevaux
soit-il,
jamais Droog n’aurait accepté de se séparer de son percuteur. Expert dans son
domaine et capable de fabriquer des outils de précision, il prenait grand soin
de tous ses instruments et savait comment rendre heureux l’esprit qui habitait
le percuteur. Ayla en serait-elle capable maintenant qu’il n’y avait plus
personne pour la guider dans ce domaine ? Elle savait qu’il existait des
rituels pour conjurer le mauvais sort lorsqu’on cassait un percuteur, d’autres
capables d’apaiser l’esprit d’une pierre ou de persuader un esprit d’aller
habiter dans une nouvelle pierre. Malheureusement, elle ne les connaissait pas.
Elle plaça le percuteur à côté d’elle et sortit de son paquet un
morceau de tibia d’herbivore. Elle examina ce percuteur en os pour voir s’il ne
s’était pas fendu depuis qu’elle l’avait utilisé pour la dernière fois. Il
était en excellent état et elle le posa à côté de l’autre. Elle prit alors une
canine de félin qu’elle avait dénichée dans le tas d’ossements situé au pied de
la saillie rocheuse et qui allait lui permettre de retoucher le futur outil en
silex. Elle possédait aussi un retouchoir en pierre qu’elle plaça à côté des
autres outils et fit le compte des rognons de silex qu’elle avait ramassés
depuis qu’elle habitait dans la vallée.
Ayla avait appris à tailler en observant le travail de Droog, en
écoutant ses conseils et en s’exerçant longuement. Droog suivait avec intérêt
ses progrès, mais il n’intervenait jamais directement : Ayla ne faisait
pas partie de ses apprentis. A ses yeux, cela ne valait pas la peine
d’enseigner le métier à une femme car le nombre d’outils qu’elles avaient le
droit de fabriquer était limité. Elles n’avaient pas le droit de tailler des
silex qui seraient utilisés à la chasse ou pour fabriquer des armes. Aux yeux
d’Ayla, il n’y avait pas de réelle différence : qu’il soit fabriqué par un
homme ou par une femme, un couteau restait un couteau et une lame denticulée
pouvait aussi bien être employée pour tailler l’extrémité d’un bâton à fouir
que celle d’une lance.
Elle allait se mettre au travail quand elle s’aperçut qu’il lui
manquait quelque chose. Elle avait besoin d’une enclume pour poser le silex
qu’elle allait tailler. Lorsque Droog taillait un coup-de-poing, il ne se
servait jamais d’une enclume et n’utilisait celle-ci que lorsqu’il s’attaquait
à des outils dont la taille était plus délicate. Mais Ayla préférait travailler
sur un support. Il fallait que celui-ci soit plat, solide, et pas trop dur pour
que le silex ne se fracasse pas lorsqu’elle le frapperait avec le percuteur.
Sachant que Droog utilisait toujours un os de pied de mammouth comme enclume,
elle décida d’aller fouiller dans le tas d’ossements pour voir si elle en
trouvait un.
Parmi les os, il y avait des défenses de mammouths. Logiquement
il devait aussi y avoir des os de pied. Afin de s’en assurer, Ayla alla
chercher une grosse branche qui lui servit de levier pour déplacer les
ossements les plus lourds. Elle finit par trouver ce qu’elle cherchait tout au
fond de la pile, près de la paroi.
En revenant vers la plage, son regard fut soudain attiré par une
pierre grisâtre qui brillait au soleil. Intriguée par ce morceau de pyrite de
fer qui lui rappelait quelque chose, elle s’arrêta pour le ramasser.
Mon Lion des Cavernes m’a donné une pierre exactement semblable
à celle-là pour m’annoncer que mon fils vivrait, se souvint-elle dès qu’elle
eut la pierre en main. Elle se rendit compte pour la première fois que la plage
était couverte de pierres du même genre. Quand j’ai trouvé la mienne, se
dit-elle, il n’y en avait pas d’autres autour. Ici, elles sont si nombreuses
que le fait d’avoir trouvé cette pierre ne signifie rien de particulier.
Elle jeta la pierre qu’elle venait de trouver et retourna
s’asseoir sur la plage. Elle plaça l’os de mammouth entre ses jambes et posa la
peau de hamster sur ses genoux. Puis elle prit le silex qu’elle désirait
façonner et le tourna d’un côté et de l’autre afin de choisir l’angle de frappe
le mieux approprié. Elle n’arrivait pas à se décider. Pourquoi ne
parvenait-elle pas à se concentrer ? Le rocher sur lequel elle était
installée était-il trop dur ou trop froid ?
Elle alla chercher une natte dans la caverne et en profita pour
prendre sa sole, sa drille
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