La Vallée des chevaux
jamais ce sentiment n’avait été aussi fort que maintenant.
Elle éprouvait à la fois de l’anxiété et de la peur – non pas à cause
de l’absence de feu, elle s’en rendait compte soudain, ni pour elle-même, mais
pour un être qu’elle chérissait.
Sans faire de bruit, elle se mit debout et se dirigea vers le
foyer dans l’espoir qu’il y restait encore une braise qu’elle pourrait ranimer.
Le feu était bien mort. Éprouvant tout d’un coup un besoin naturel, elle
s’approcha de la paroi de la caverne et la suivit en tâtonnant jusqu’à ce
qu’elle se retrouve devant l’entrée. Au moment où elle allait sortir, une
rafale de vent glacial s’engouffra à l’intérieur, faisant voler les cendres
froides.
Au lieu de se diriger vers le sentier qui permettait d’accéder à
la caverne, Ayla prit la direction opposée et s’arrêta à l’extrémité de la
corniche pour y faire ses besoins.
Il n’y avait pas d’étoiles dans le ciel et une épaisse couche
nuageuse obscurcissait en partie la lueur de la lune. On y voyait à peine plus
qu’à l’intérieur de la caverne. Ce fut l’ouïe d’Ayla et non sa vue qui
l’avertit du danger. Elle entendit un bruit de respiration et un reniflement.
Puis elle entrevit un mouvement furtif.
Quand elle voulut saisir sa fronde, elle se rendit compte
qu’elle ne la portait pas sur elle. Elle avait compté sur le feu pour éloigner
les prédateurs des environs immédiats de la caverne et maintenant que celui-ci
était éteint, elle devait reconnaître qu’elle avait fait preuve de négligence.
Sans feu pour la protéger, la jeune pouliche était une proie facile pour la
plupart des carnivores.
Soudain, elle entendit un rire saccadé, aussitôt suivi par un
hennissement craintif. Whinney était prisonnière à l’intérieur de la caverne et
les hyènes en bloquaient l’entrée.
Encore elles ! songea Ayla. Elle détestait ces animaux dont
le pelage tacheté était affreux et le ricanement fou. Chaque fois qu’elle en
rencontrait, elle ne pouvait s’empêcher de repenser aux cris de détresse
qu’avait poussés Oga en voyant que les hyènes emportaient son bébé. Cette
fois-ci, c’est à Whinney qu’elles s’en prenaient.
Ayla n’avait pas sa fronde, mais cela ne l’arrêta pas. Ce
n’était pas la première fois qu’elle oubliait sa propre sécurité pour voler au
secours d’un être sans défense. Elle se précipita aussitôt vers la caverne.
— Sortez de là ! Fichez-moi le camp !
hurla-t-elle en brandissant le poing.
Les hyènes détalèrent. L’assurance d’Ayla y était pour quelque
chose. Il y avait aussi l’odeur du feu qui, même après que celui-ci se fut
éteint, persistait encore à l’intérieur de la caverne. En plus, les hyènes devaient
se souvenir des pierres qu’Ayla leur avait lancées juste après la mort de la
jument.
La voie étant libre, la jeune femme se précipita à l’intérieur
de la caverne pour y prendre sa fronde. Elle ne se souvenait pas où elle
l’avait mise et, dans l’obscurité presque absolue, elle n’avait aucune chance
de la retrouver.
En revanche, elle savait où se trouvaient les pierres du foyer
et, sans plus attendre, se baissa pour en ramasser une. Quand une des hyènes se
hasarda suffisamment pour que sa silhouette se découpe dans l’ouverture de la
caverne, elle s’aperçut aussitôt que, même sans sa fronde, Ayla était capable
de viser juste. La jeune pouliche n’était pas une proie si facile et les hyènes
préférèrent décamper.
Ayla ne dormit pas de la nuit et monta la garde, assise près de
Whinney. Dès qu’un peu de jour pénétra dans la caverne, elle se mit à la
recherche de sa fronde. Quand elle l’eut retrouvée, elle sortit sur la
corniche. Les hyènes avaient disparu. Elle revint aussitôt à l’intérieur pour
enfiler son vêtement en fourrure et mettre ses chausses. La température avait
considérablement baissé. Durant la nuit, le vent avait changé de direction.
Venant du nord-est, il s’engouffrait dans la vallée pour buter sur la haute
falaise et la boucle de la rivière puis s’écrasait par rafales désordonnées à
l’intérieur de la caverne.
Ayla descendit au bord de la rivière avec sa gourde et brisa le
léger film transparent qui recouvrait le cours d’eau. Elle se demanda, étonnée,
comment il pouvait faire si froid alors qu’il avait fait si chaud la veille.
Non seulement le ruisseau avait gelé mais il y avait aussi
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