La vengeance d'isabeau
je n’ai vu spectacle aussi horrible !
Marie en fut persuadée, à voir son teint défait et ses mains tremblantes. Elle-même l’était. Si le roi apprenait qu’elle avait livré le poison, quel sort lui réserverait-on ?
Courant décembre, François I er la fit appeler. Elle ne l’avait pas revu depuis que la paix avait été signée avec les hérétiques. Il l’embrassa avec chaleur sur le front, bien qu’il eût envie de laisser ses lèvres fureter sur les siennes.
— Comment se portent vos enfants, douce Marie ? demanda-t-il aussitôt. Les avez-vous trouvés en bonne santé, avez-vous bien joui d’eux ?
— Oui, Sire. Ils sont vigoureux et taquins. Les retrouver me fut un enchantement, avoua-t-elle avec sincérité.
— Votre époux vous a-t-il comblée ? Badina-t-il comme à son habitude.
— Oui, Sire, mentit Marie en se mordant les lèvres.
— Mais je te manquais, n’est-ce pas ? Sinon pourquoi l’aurais-tu laissé ? poursuivit le roi en passant un doigt gourmand sur l’ovale de son visage.
« Constant est perdu et tu dois protéger ton secret », souffla une petite voix à ses tempes, une voix chargée de honte et de regrets.
— Oui, Sire, s’entendit-elle répondre, les yeux baissés. Vous me manquiez.
Un éclat sauvage embrasa le regard du roi. Il releva ce menton qui tremblait et embrassa cette bouche délicatement rosée. Marie s’abandonna, troublée par cette douceur inaccoutumée. Le roi était un bon amant, disait la rumeur. Peut-être lui apprendrait-il à oublier Constant. Mais cette Ibis, elle saurait se prémunir. Elle savait de sa grand-mère une potion de stérilité. Gaillardement, elle répondit à son baiser.
François I er la rejoignit dans sa chambre lorsque le souffle de la nuit ne fut plus qu’un murmure sur le palais.
— Laisse ta porte ouverte, lui avait-il recommandé alors qu’elle prenait congé tantôt comme Anne de Montmorency s’annonçait. Elle obéit et moucha les chandelles, le cœur battant. Elle n’avait été prise qu’une fois, le roi n’allait-il pas rire de son inexpérience ?
Il se montra généreux de caresses et attentif, sans paraître rien remarquer de sa maladresse, bien au contraire révélant la sensualité qui sommeillait en elle. L’aube la cueillit épuisée et ravie d’avoir cédé. Le roi n’avait pas failli à sa réputation et l’avait comblée. Comme il se rhabillait, il se tourna vers elle.
— Une fois encore, je vais te confier un secret, Marie.
Avant qu’elle ait pu protester, il s’asseyait sur le lit et enchaînait en suivant le contour de son sein avec son doigt :
— Ce corps que tu m’as offert, plus d’une fois je l’ai admiré, aussi nu qu’en cet instant.
Marie demeura bouche bée.
— Sire… Comment…
— Ne t’en fâche pas, je t’en prie. De fait, il n’est pas une dame en ce lieu que je n’aie vu se baigner dans sa plus éclatante et insouciante beauté.
Il lâcha un petit rire coquin alors qu’elle fronçait les sourcils.
— Au-dessus des voûtes de ce petit lac où souvent vous vous ébattez se trouve une grotte, comme tu le sais. J’ai fait aménager un sentier qui y mène et un subtil jeu de miroirs me renvoie vos silhouettes à admirer.
— Oh ! Mais c’est scandaleux gronda-t-elle vexée.
— Je dirais plutôt terriblement… excitant… s’amusa-t-il en se courbant au-dessus d’elle.
— Je ne vais plus oser me baigner désormais !
— Bien sûr que si. Tu as beaucoup de choses à apprendre, Marie. Le désir en est une. Tu es la seule à connaître mon secret, même Anne l’ignore. Elle est bien trop jalouse et aurait gâché mon plaisir en faisant murer l’observatoire !
— Alors, pourquoi me le dire ?
— Pour que tu songes que mes yeux seront des caresses désormais. Mes yeux et ceux d’autres gentilshommes qui parfois m’accompagnent.
Marie se sentit rougir jusqu’à l’âme. Comment pouvait-il penser un seul instant qu’elle ait envie de s’exposer ainsi, telle une catin. Elle s’en courrouça :
— Sire, j’avais cru que vous me respectiez.
— Marie, Marie, s’étonna-t-il, c’est vrai, sans quoi je t’aurais forcée et ne t’aurais rien dit. C’est un présent que je te fais. Tu as une nature généreuse et passionnée, mais tu l’ignores encore. À croire que ton époux est un benêt, observa-t-il amusé.
Comme elle ne réagissait pas, son sourire s’élargit et il
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