La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
s’étendent au nord de
Hangzhou jusqu’au-delà du Yangzi ; enfin, les
habitants ne boivent pas d’autre eau que celle du
lac de l’Ouest 48 .
Des réservoirs qui se trouvent dans la partie
nord-ouest de la ville, à l’intérieur des remparts,
et dénommés les Six puits, communiquent avec
le lac. Aménagés au VIII e siècle par les soins
d’un gouverneur de la ville, réparés au XI e siècle,
quand on plaça des conduites de terre cuite dans
les canaux d’amenée, ils fournissent la seule eau
douce du pays. Tous les puits creusés dans la
région de Hangzhou communiqueraient en effet
avec le fleuve et, à cause des marées, ils ne
pourraient donner qu’une eau saumâtre. On
veille donc avec un soin jaloux à la propreté du
lac. Au cours des années 1265-1274, un censeur
de la cour mit en accusation deux hauts fonctionnaires qui avaient fait construire au-dessus
du lac des maisons sur pilotis et y faisaient laver
leurs chevaux et faire leurs lessives. « Ainsi,disait l’accusateur, les alcools offerts en libation
au Ciel, à la Terre et aux ancêtres impériaux ne
peuvent avoir la pureté requise. En outre, les
gens de la ville, qui ne boivent que de cette eau,
risquent des épidémies 49 . » On ne sait pas comment l’eau des Six puits était distribuée en ville ;
sans doute des porteurs de fléau, chargés de
baquets, parcouraient-ils les rues et les venelles
de Hangzhou.
Les deux produits que les habitants consomment le plus et qui sont à la base de leur alimentation sont le riz et le porc. « Si, dit un
contemporain, on excepte les hôtels particuliers
des princes, les maisons des grands fonctionnaires, les résidences et les demeures des gens
riches ainsi que toutes les personnes salariées
des administrations, la consommation journalière du petit peuple de la ville ne descend pas
au-dessous de 70 à 140 tonnes de riz qui doit
être acheté dans les boutiques. » Un autre
témoin donne des chiffres différents, mais plus
précis, et sa source paraît digne de foi. « J’ai eu
jadis l’occasion, dit-il, d’entendre dire au chef
des employés de la préfecture que, si l’on
excepte les maisons qui s’approvisionnent elles-mêmes directement au-dehors, il y a, dans la
ville (à l’intérieur des remparts), 160 000 à
170 000 personnes qui doivent acheter leur riz
dans les boutiques. Or, si l’on compte une
moyenne de 1,4 kilo comme consommationjournalière par personne, il est clair qu’à moins
de 210 à 280 tonnes de riz on ne peut assurer
l’approvisionnement nécessaire pour un seul
jour. Et encore, ni les faubourgs du nord et du
sud, ni les marchands de passage, ni les voyageurs ne sont inclus dans ce calcul 50 . » Sans
doute les gens des hautes classes, qui reçoivent
leur riz directement, consomment moins de cette
denrée que les gens du peuple, car leur menu est
plus varié. Mais, au total, c’est plusieurs centaines de tonnes de cette céréale qui devaient
être acheminées chaque jour vers Hangzhou.
Aussi les barques chargées de riz n’arrêtent-elles
pas de circuler sur les canaux, venant des grandes
régions rizicoles du nord du Zhejiang et de l’actuel Jiangsu. De jour et de nuit, les transports
sont ininterrompus, et l’on doit même importer à
Hangzhou du riz de la vallée de la Huai et, par
mer, du riz de la région de Canton, située à plus
de trois mille kilomètres de la capitale. Les
barques sont déchargées au pont du Marché au
riz et au pont Noir, dans les faubourgs du nord,
où leur cargaison est vendue aux innombrables
boutiques et restaurants de la ville 51 .
Le plus important marché aux porcs se trouve
en pleine ville, au quartier dit « Pratique de
l’équité », aux abords de la Voie impériale. Là,
dans deux ruelles, sont égorgées chaque jour
plusieurs centaines de bêtes. Les abattoirs
ouvrent à la troisième veille de la nuit, entre uneet trois heures du matin, et ferment à l’aube. On
y vend quartiers et abats aux boutiques de marchands de pâtes, aux maisons de thé, aux cabarets, aux boutiques de saumure ainsi qu’aux
marchands des ruelles qui vendent des morceaux
de porc cuits dans la cendre. Mais il existe aussi,
disséminées à travers toute la ville, des charcuteries qui procèdent elles-mêmes à l’abattage des
bêtes qu’elles débitent. Devant leurs étals décorés où les instruments brillent de l’éclat du neuf,
cinq à sept hommes manient le couteau. On y
débite chaque jour plus de dix
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