La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
voiles
carrées faites de nattes ou de toiles de couleur
sombre, des bateaux de pêche ou de transport
sont amarrés près des rives ou naviguent sur le
fleuve, large à cet endroit de deux à trois kilomètres. Les grandes jonques de haute mer viennent rarement jusqu’à Hangzhou, à cause des
bancs de sable qui encombrent l’estuaire du
Zhejiang, et les bateaux qu’on y voit sont généralement de moins grande taille. Munis de six à
huit grandes rames, ils portent le nom de
« perce-vent » et ne peuvent transporter qu’une
centaine de personnes. Ceux qui vont à la pêche
au filet dans l’estuaire du Zhejiang et sur lescôtes sud de la province, jusqu’à Wenzhou, sont
dénommés bateau « sampan » (littéralement
« trois planches »). Ce sont eux qui approvisionnent Hangzhou en poissons de mer et en
crabes. D’autres embarcations remontent le
cours du fleuve jusqu’à plus de deux cents kilomètres en amont et ramènent à Hangzhou bois
de construction et bois de chauffage, oranges et
mandarines, poissons salés, fruits secs et fruits
frais 69 . Mais les habitants ne se rendent guère en
promenade de ce côté de la ville en dehors des
jours de grand mascaret. Le tumulte des eaux et
la violence des vagues attirent alors les curieux
par dizaines de milliers.
Cette description sommaire de la ville ne
serait pas complète si l’on ne mentionnait les
innombrables spectacles auxquels les habitants
peuvent assister en pleine rue (jongleries, marionnettes, ombres chinoises, récits de conteurs,
acrobaties…) et dans les « quartiers d’amusement », vastes théâtres populaires où se réunissent
et se coudoient des gens de toutes conditions. Là
sont données en permanence des représentations
théâtrales et des exhibitions de danses, de chant
et de musique. Hangzhou paraît vivre dans une
atmosphère de fête continuelle. L’activité incessante des rues et des marchés, les plaisirs, le
luxe et la gaieté de la ville, tout cela contraste
vivement avec la misère des campagnes et l’existence pesante, monotone et frugale des paysans.
Sans nul doute, Hangzhou au XIII e siècle est,
pour reprendre les termes de Marco Polo, « la
plus grande ville qui soit au monde et la plus
noble ». Mais on n’oubliera pas que l’ordre et la
beauté sont ici le résultat d’une longue patience.
La ville et son lac ont été conquis lentement sur
la nature depuis les premiers siècles de l’ère
chrétienne. Ainsi, la ville porte-t-elle déjà un
témoignage sur l’homme, sa psychologie et ses
qualités maîtresses. Elle est une preuve concrète
de son ingéniosité et de sa persévérance. Mais sa
description laisse entrevoir en même temps l’une
des particularités essentielles du monde chinois :
sa remarquable organisation administrative.
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1 . Guixin zazhi , xu B, § 82.
2 . X U Yitang, art. en chinois sur le développement
de la ville de Hangzhou sous la dynastie des Song
du Sud, Bulletin of Chinese Studies , IV, 1, Chengdu,
sept. 1944.
3 . Dongjing menghua lu , I, 1, p. 7. Cf. A.-C. M OULE , Quinsai with other Notes on Marco Polo , Cambridge,
1957. Notons que les murailles des villes chinoises de
l’époque des Song atteignaient généralement une hauteur de 8 à 10 mètres.
4 . MLL , VII, 1, p. 183. Cf. M OULE , p. 13-17 (sur l’histoire de la ville avant les Song et sur les remparts du VII e siècle).
5 . M OULE , p. 17-18. Sur la digue construite en 910, voir Fengchuang xiao du, Shuofu , XXX, f o 14 b -15 b .
6 . Houshan tancong, Shuofu , XXII.
7 . Pour une reproduction du plan de 1274, cf. M OULE ,
planches.
8 . MP , III, p. 78.
9 . MLL , XVIII, 2, p. 281-282.
10 . X U Yitang, op. cit. Cf. Yijianzhi , ting XI, 11 e anecdote.
11 . Guixin zazhi , hou , § 19.
12 . C’est encore le cas du grand port de commerce de
Quanzhou (Zaytun) au XIV e siècle. Cf. Ibn Batuta, cité
par Y ULE , Cathay and the Way Thither , IV, p. 268-269 :
« Dans cette ville, comme dans toute autre de la Chine,
chaque habitant a un jardin, un champ et sa maison au
milieu… C’est pour cette raison que les cités des
Chinois sont si grandes. »
13 . MLL , X, 12, p. 215.
14 . Cité par Charignon, MP , III, p. 93.
15 . MP , III, chap. CXXXVIII, p. 31.
16 . Sources citées dans M OULE , p. 26.
17 . X U Yitang, op. cit. Cf. Yijianzhi , yi 16, 6 e anecdote.
18 . MLL , XVIII, 7,
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