La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
pas parfaite. Quant à l’accusateur, il restelui-même l’objet d’une forte suspicion. En outre,
il lui en coûte de recourir à la justice publique,
car on ne dépose pas une accusation sans offrir
au juge des présents d’usage : la politesse l’exige.
Enfin, la justice chinoise, qui fait appel à des
modes de preuve objectifs (on ne peut condamner un voleur si l’on n’a pas retrouvé le larcin,
un meurtrier présumé si le cadavre ne présente
aucune trace de violences, etc.). Toutes les
peines consistent en châtiments corporels extrêmement sévères. Les accusés sont maintenus
longtemps en prison dans des conditions misérables. Ils ne sont nourris que par leurs proches
et, cependant, on aurait besoin d’eux aux
champs. La torture (fouet, bastonnade, carcan et
menottes) est normalement employée pour faire
avouer les accusés récalcitrants. Leur aveu est
indispensable. Cependant, les erreurs judiciaires
sont relativement rares. En fin de compte, cette
justice semble conçue pour faire passer aux
administrés le goût des procès, et l’on comprend
que les paysans préfèrent régler le plus souvent
entre eux leurs querelles, à l’amiable ou par arbitrage. Seules les causes les plus graves viennent
devant la justice d’Etat 74 .
Responsabilité collective, cruauté des répressions, autorité des anciens du village et du canton, autorité des chefs de famille, cohésion
villageoise et horreur des procès, voilà autant de
facteurs qui expliquent pourquoi la paix règnedans les campagnes. Seules les grandes famines
et les injustices trop criantes et trop générales
soulèvent des troupes de rebelles. Ce sont ces
troupes, excitées par des espoirs messianiques,
grossies jusqu’à former de véritables armées, qui
mettent fin parfois aux dynasties et portent sur le
trône du Fils du Ciel un de leurs chefs.
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1 . M. M AUSS , « La nation », Année sociologique 1953-1954, p. 28.
2 . Sur l’organisation générale de l’administration chinoise, voir R. DES R OTOURS , Traité des examens , Paris,
1932, introduction, et E. A. K RACKE , Civil Service in
early Sung China (960-1067), Cambridge (Mass.),
1953.
3 . Voir ci-dessous, Les Paysans.
4 . La plupart des indications données dans ce passage
sont empruntées à l’ouvrage de E. A. K RACKE déjà cité.
5 . De longs traités étaient jadis consacrés dans les histoires officielles à cette réglementation du train de vie
dont les fins sont à la fois économiques, sociales et
psychologiques. Les infractions sont punies par le code. Cf. Tanglü shuyi (Code des Tang), chap. XXVI, art. 15 :
« Tous ceux qui font construire des maisons, fabriquer
des voitures, des vêtements, des vases ou autres ustensiles, sculpter des animaux de pierre pour les tombeaux
en contrevenant aux règlements en vigueur sont punis
de cent coups de bâton. » Par exemple, les mandarins
dont le grade est inférieur au troisième degré n’ont pas
le droit de faire sculpter des animaux en pierre pour les
allées de leur tombeau.
6 . Guixin zazhi , bieji A, 14 e §.
7 . Décret signalé par L. C. G OODRICH , A Short History
of the Chinese People , New York, 1943.
8 . MLL , XIII, 3, p. 240.
9 . Ibid. , XIX, 3, p. 299.
10 . En temps de paix, les soldats, très mal payés, se
livrent au commerce. Cela est de tradition. Cf. Tang
liangjingfangcheng kao (Recherches sur les quartiers et
murailles des deux capitales de la dynastie des Tang) par
Xu Song (1718-1848), paragraphe consacré au marché
de l’ouest de Chang’an : les soldats de la garde impériale vivent dans l’aisance en vendant des soieries. Les
plus forts d’entre eux exercent le métier d’amuseur
public. Ils luttent, jouent au jeu de la corde (deux
équipes se disputent une même corde) ou bien encore
soulèvent des pièces de bois ou des morceaux de fer.
A Hangzhou, au XIII e siècle, les soldats vendent de l’alcool.
11 . MP , III, p. 87-88.
12 . G OODRICH , op. cit.
13 . Sur la marine de guerre chinoise aux XII e et XIII e siècles, cf. L UO Rongbang, China as a See-power , Far Eastern Quarterly XIV, 4, 1955, et Jacques D ARS , La
Marine chinoise du X e siècle au XIV e siècle , Economica,
Paris, 1992. Sur les premiers emplois militaires de la
poudre à canon en Chine, voir L. C. G OODRICH et F ENG Chia-sheng, The early Development of Fire Arms in
China , Isis XXXVI (1946), p. 114-123, 250-251 et
XXXIX (1948),
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