La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
par les habitants de Hangzhou, ils étaient alimentés en eau
froide amenée du lac. Mais Marco Polo nous
assure qu’il y avait également des bains chauds
pour les étrangers, probablement destinés aux
musulmans accoutumés à la chaleur étouffante
des hammams. « Nombreuses sont les rues qui
débouchent sur lesdits squares (le long de la
Voie impériale), nous dit le voyageur vénitien.
Dans certaines d’entre elles, il y a beaucoup
d’établissements de bain à eau froide, avec de
nombreux garçons et servantes pour aider dans
leurs ablutions les baigneurs, hommes et femmes
qui les fréquentent : dès leur enfance, ils sont
habitués à se baigner dans l’eau froide en toute
saison et ils disent que cette pratique est très
hygiénique. Dans ces établissements, il y a
cependant des cabines avec eau chaude pour les
étrangers qui, n’étant pas habitués à l’eau froide,
ne pourraient la supporter. Ils ont l’habitude de
se laver tous les jours et n’iraient point manger
avant d’avoir pris un bain 22 . » A la porte de ces
maisons de bain, on rencontre des marchands
ambulants qui vendent de l’eau chaude pour se
laver le visage, et diverses médecines 23 .
Ce sont sans doute les gens du peuple qui fréquentent ces établissements, car les riches possèdent leurs salles de bain particulières. Les
baignoires sont en bois, en métal ou en faïence.On dispose un petit banc à l’intérieur pour que le
baigneur puisse s’y accouder. Le sol est couvert
d’une natte, et l’on s’essuie avec des serviettes
ou des mouchoirs. Les dames s’entourent d’un
paravent. Pour la toilette des mains et du visage
à laquelle on procède tous les matins, on se sert
généralement d’un broc et d’une bassine en
métal. Quant au savon, il est fait d’une mixture
de pois et d’herbes, et se présente sous une
forme liquide. Pour chauffer l’eau des bacs et
des baignoires, on y immerge des pièces métalliques ou des pierres chaudes.
Si gens du peuple et des hautes classes ont, à
Hangzhou, un goût très prononcé pour les bains,
il faut noter aussi que certains personnages
excentriques se signalent par leurs excès : certains poètes, philosophes ou esthètes étaient
célèbres pour leur manie des ablutions ou, à l’inverse, pour leur goût incorrigible de la crasse.
C’est ainsi que le grand réformateur du XI e siècle
Wang Anshi était réputé pour la saleté de sa personne et pour sa chevelure hirsute et repoussante. Deux de ses associés l’obligeaient à se
baigner une fois par mois et disposaient des
vêtements neufs pour sa sortie de bain. Au
contraire, il existe des maniaques qui ont une
phobie quasi religieuse de la souillure et se
lavent les mains à tout instant, tel le grand calligraphe et peintre Mi Fu au XI e siècle ; tel encore,
un autre esthète du même genre à l’époquemongole qui poussait son goût de la propreté
jusqu’à changer plusieurs dizaines de fois l’eau
de son bac quand il se lavait le visage et à
secouer dix fois de suite la poussière de son
bonnet et de ses robes avant de les revêtir. Il
prenait même soin de faire laver et frotter les
arbres et les pierres qui se trouvaient devant et
derrière son cabinet de travail. Il y a aussi des
amateurs de bain sybarites, tel un nommé Pu
Zongmeng qui avait chaque jour un petit et un
grand lavage du visage, un petit et un grand
bain de pied et, en outre, des bains complets,
grands et petits. Il se faisait aider pour ces ablutions d’une douzaine de servantes et employait
pour chaque bain cinq bacs complets d’eau
chaude. Mentionnons enfin les superstitieux qui
ne se laveraient point pour un empire les jours
du rat et du lièvre qui passent pour être néfastes
pour les bains 24 .
Les Chinois du XIII e siècle ignorent la brosse à
dents et se contentent, après les repas, de se passer un mouchoir sur les gencives. Un autre de
leurs usages scandalisait les marchands arabes
dès le IX e siècle. « Ils ne sont pas propres, dit
l’un d’eux : ils ne se lavent jamais avec de l’eau,
quand ils ont fait, mais ils essuient cela avec du
papier chinois 25 . »
L’emploi des cosmétiques et des parfums
semble réservé aux dames. Dans la région de
Pékin, les filles de familles riches, pour protégerleur peau contre les atteintes du froid et du vent,
s’appliquaient en hiver sur le visage une sorte
d’onguent à base de plantes et conservaient jusqu’au printemps cet enduit nommé « parure de
Bouddha ».
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