L'abandon de la mésange
que le train se promène
en montagne, celui qui avait tué son père ayant roulé dans la plaine. Sa mère acquiesça.
Elles consacrèrent plusieurs heures des vacances à cette construction, ce qui
les amusa énormément.
Quelques jours avant le premier de l’an, Élise
reçut une enveloppe qu’elle prit des mains de sa mère en tremblotant. Blanche
la laissa seule, et Élise pesa et soupesa l’enveloppe pendant au moins cinq
minutes avant de l’ouvrir avec un coupe-papier, pour l’abîmer le moins
possible. Elle s’assit à la table de la salle à manger et se résigna enfin à
sortir la carte. Une fine pluie de paillettes dorées arrachées aux branches
d’un sapin enneigé tomba sur la table et elle sourit en retenant son souffle.
Elle les ramassa toutes et les remit dans l’enveloppe.
Ma douce, mon Élise,
Que cette nouvelle année soit des plus belles.
Pas un seul jour ne passe sans que je pense à ton parfum et à ton
sourire.
Et toi, m’as-tu rencontré en rêve ?
Pour toujours, ton Côme.
– 8 –
MAI 1959
C’était affolant ! Élise se trouvait
devant vingt-trois petites filles dont elle aurait la responsabilité pour une
semaine complète, après quoi, le vendredi après-midi, les religieuses
viendraient l’évaluer.
Les petites étaient sagement assises, les
pieds posés bien à plat sur le sol, les mains jointes. Quelques-unes souriaient
tandis que d’autres attendaient patiemment qu’elle commence la leçon. En trois
minutes, Élise avait remarqué sur le cahier d’appel qu’il y avait là sept
Louise, trois Denise, deux Michelle, deux Huguette et, évidemment, une Marie.
Depuis qu’elle allait à l’école, il y avait toujours eu une Marie dans sa
classe. Micheline aussi et sa mère également. Avec cinq prénoms, Élise
connaissait plus de la moitié de sa classe !
En trois minutes aussi, elle se demanda si
elle avait vraiment du talent pour l’enseignement. Comment saurait-elle en
septembre, proche de la vingtaine, être responsable d’autant de
fillettes ? Elle avait peine à imaginer sa grand-mère qui, à seize ans,
enseignait à une classe de sept niveaux scolaires, en plus de voir à
l’entretien de toute une école. Les temps avaient terriblement changé puisque
maintenant une fille de seize ans n’avait pas toujours la permission de sortir
plus tard que dix heures du soir la fin de semaine, et ne l’avait pas du tout
la semaine. Sa mère lui avait montré une photo de sa grand-mère, prise à la
toute fin du XIX e siècle, alors qu’elle était âgée, elle aussi, d’à
peine vingt ans. Elle se tenait devant une école, entourée de ses élèves,
véritable poule avec ses poussins. Élise lui avait trouvé un air sévère.
Maintenant elle comprenait que n’importe quelle fille de son âge qui était de
service vingt-quatre heures par jour, dix mois par an, ne pouvait pas se
permettre d’avoir un air autre que sévère. De toute façon, sa pauvre grand-mère
devait être trop épuisée pour sourire.
Une élève leva la main et demanda si elles
allaient faire la prière.
– Quelle prière ?
– Eh bien, la prière du matin.
Élise l’avait complètement oubliée.
– Je sais, mais quelle prière
récitez-vous le matin ?
– Celle du matin.
Élise la remercia, réprima un sourire et leur
demanda de choisir. Elles choisirent le Je vous salue, Marie, qu’Élise
expédia le plus rapidement possible. Elle invita ensuite les élèves à prendre
leur livre de lecture et soupira d’ennui. Les petites filles, par contre,
étaient tellement fières d’elles-mêmes qu’elle n’osa pas les interrompre.
La lecture terminée, elle passa au calcul et
sortit les cartons d’opérations mathématiques préparés par la titulaire. D’un
côté, les élèves pouvaient voir « 4 + 2 = » et du sien, il y avait la
réponse. Elle hésita, puis rangea les cartons et déambula dans la classe.
– Fermez vos yeux. Imaginez un instant
que nous sommes dehors, à la campagne. Devant nous, là-bas, il y a une belle
ferme, avec, sur la galerie, des vases remplis de fleurs. Un peu plus loin, on
voit des animaux. Ouvrez les yeux. Pouvez-vous les nommer ?
Il s’ensuivit une cacophonie à travers
laquelle elle reconnut les mots « poule », « vache »,
« cochon ».
– Bien. Si, derrière la clôture, je vois
quatre vaches et deux cochons, je vois combien d’animaux ?
« Six », entendit-elle à la ronde.
– Six ? Vous connaissez
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