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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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irait le rejoindre.
    Élise et sa mère avaient acheté des fraises au
marché Jean-Talon et elles en firent une provision de confitures. Imitant M me  Vandersmissen,
Élise ajouta de la rhubarbe à quelques pots.
    – J’aimerais ça, travailler là.
    – Où ?
    – Au marché Jean-Talon.
    Sa mère haussa les épaules, souriant
faiblement et se demandant si sa fille était sérieuse ou non.
    Trouvant que ses vacances avaient assez duré,
Élise alla postuler un emploi au Jardin botanique, où on lui demanda de revenir
l’année suivante, les étudiants ayant déjà été embauchés et étant à l’œuvre
depuis des semaines. Élise précisa qu’elle n’était plus une étudiante et
qu’elle cherchait un travail à temps plein.
    – Avez-vous fait des études ?
    – Oui. J’ai une scolarité de brevet B.
    On la regarda d’un œil suspicieux. Il était
rare qu’une jeune femme instruite veuille travailler au Jardin botanique.
    – Que cherchez-vous comme emploi ?
Réceptionniste ? Secrétaire ?
    – Jardinière.
    – C’est un travail d’homme.
    Élise n’en croyait pas ses oreilles. Elle
partit en promettant de revenir l’année suivante et elle emporta un formulaire.
En sortant du bureau, elle heurta presque Conrad Ballard, qui détourna le
regard, feignant de ne pas l’avoir vue.
    – Qu’est-ce que tu fais ici, Conrad
Ballard ?
    – Je suis venu voir les fleurs. As-tu
quelque chose contre ça ?
    Elle n’arrivait pas à s’habituer à la présence
maladive de Conrad qui, tous les matins de l’année scolaire, l’avait suivie
comme son ombre.
    – Oui. Je veux que tu me laisses
tranquille. Je serai jamais ta blonde, j’irai jamais voir un film avec toi…
    – Aimerais-tu mieux qu’on aille au parc
Belmont ?
    – Non ! Mets-toi dans le coco que tu
m’intéresses pas.
    Ce jour-là, il s’assit en face d’elle dans
l’autobus et, profitant du très petit nombre de passagers, il agita une main
dans sa poche comme s’il comptait sa petite monnaie, tout en secouant une jambe
comme il le faisait toujours. Sans bien comprendre ce qu’il faisait, Élise
frissonna de dédain et changea de place.
    Elle parvint à oublier cet énergumène en
s’enfermant toute la soirée au sous-sol. Le temps était orageux et les
fondations de la maison vibraient à chaque coup de tonnerre tandis qu’Élise
s’affairait à terminer la peinture de deux maisonnettes, dont une gare, qu’elle
collerait au décor du train électrique.
    Depuis le fameux soir où elle avait annoncé
ses intentions à sa mère, elles avaient toutes les deux décidé, sans se
consulter, que le sous-sol deviendrait un terrain neutre. Blanche, Élise et
Micheline n’y étaient plus mère et filles, mais des compagnes qui travaillaient
à créer un environnement pour un modèle réduit de train, qu’elles avaient
baptisé le train du Souvenir. Elles en profitaient pour parler de leurs
souvenirs et la mère faisait parfois quelques confidences à ses filles.
Celles-ci avaient eu l’idée de sortir de leur boîte les rares photographies que
leur mère avait encore et de s’en servir comme modèles.
    – La première fois que votre père m’a
vue, à la gare, il a ri de moi.
    – À cause de ton chapeau de paille en
pleine tempête de neige ?
    – Je vous l’ai raconté ?
    – Toi, au moins cinquante fois, et papa,
deux cents.
    – Je vieillis…
    Élise regarda sa mère, repensant au compliment
de M. Vandersmissen quand il l’avait revue. Blanche était encore jolie
avec son regard bleu sous ses magnifiques cheveux argentés. Mais ce qu’Élise
préférait, c’était sa manie de se cacher la bouche comme une petite fille
timide chaque fois qu’elle souriait ou qu’elle riait.
    Blanche et Micheline allèrent se coucher et
Élise demeura seule au sous-sol. Elle travailla encore pendant une bonne heure,
penchée sur son décor et bercée par les coups de tonnerre. Elle aimait
sursauter quand un éclair illuminait le ciel et que le tonnerre le suivait de
près, faisant vibrer la maison. Elle aimait voir les arbres s’incliner devant
cette force qui les assaillait de toutes parts. L’été n’avait cessé d’apporter
des orages et Élise s’en était réjouie.
    Le train pouvait maintenant rouler et elle le
brancha. Regardant la locomotive passer sur un pont dont le recouvrement
n’était pas achevé et dans un tunnel de bâtons de popsicles dont le
papier mâché du revêtement n’était pas encore

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