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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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bien, Côme.
    – Je suis belge.
    – Je ne parle pas de ton accent. Ce que
tu dis, ça semble appris par cœur. Comme Onésime dans La Famille Plouffe .
Ce que j’aurais eu envie d’entendre, moi, c’est simple.
    – C’est… ?
    – C’est… quelque chose comme :
« Élise, je t’aime et je souffre de d’attendre. Élise, il m’arrive de ne
pas te retrouver dans mes rêves et je te cherche. Élise, je suis terrorisé à
l’idée que tu rencontres quelqu’un d’autre et que tu cesses de m’aimer. »
    Côme lui ouvrit la portière et l’étreignit.
    – Cesse de me faire peur, Élise. Je suis
terrorisé à l’idée que tu rencontres quelqu’un d’autre et que tu cesses de
m’aimer.
    Elle aurait voulu s’abandonner dans ses bras
et le bécoter, l’embrasser, l’étreindre, l’embrasser encore. Mais elle avait
peur du train. Alors, elle se dirigea vers la voie, sentit ses jambes ramollir
et tituba. Côme la soutint.
    – Mais de quoi as-tu peur, Élise ?
    – De la mort.
    – Je te raccompagne à Montréal, ma douce.
Je ne peux pas supporter de te voir comme ça.
    – Pas question.
    Devant Côme, étonné et gêné, et devant le
personnel intrigué et les passagers indifférents, Élise serra les mâchoires au
point de les faire craquer, ferma les poings et courut sur le quai en grognant
de peur et de rage.
    – Monte, niaiseuse, monte ! Courage
et détermination ! Monte ! Courage et détermination !
    Elle alla jusqu’à une extrémité du quai et en
revint, grognant toujours. Heureusement pour elle, une trombe d’eau s’abattit,
assourdissant son grommellement. Elle fit la navette trois fois, déterminée, le
front baissé, le chapeau en gouttière. Lorsqu’elle entendit le conducteur
appeler les passagers, elle s’immobilisa devant Côme, l’embrassa à la hâte,
poussa un interminable soupir, puis l’écarta et sauta directement du marchepied
à la plate-forme, où le porteur l’accueillit sans effort.
    – Bonjour, mademoiselle Lauzé. Je suis
content de te revoir.
    Élise leva la tête et son regard bleu plongea
dans d’énormes prunelles noires.
    – Monsieur Philippe !
    Courant sur le quai près du train, Côme
s’égosillait.
    – Bon voyage ! À trois heures, ma
douce, à trois heures ! Élise lui fit un discret signe de la main en même
temps qu’une grimace qui se voulait sourire.
    – Mille neuf cent soixante et un !
Bye-bye !
    M. Philippe l’installa près d’une
fenêtre, enleva sa casquette et s’assit en face d’elle.
    – Est-ce qu’il y a quelque chose qui ne
va pas, mademoiselle Lauzé ?
    Elle fit oui de la tête, son regard angoissé
fixé à la fenêtre tandis que disparaissait le quai de la gare pour céder la
place à l’immensité de la forêt et des terres colorées, prêtes à abandonner
leurs fruits.
    – Tu es venue en vacances ici ?
    Elle fit signe que non, respirant encore
péniblement. Quelqu’un fit claquer la porte à une extrémité du wagon et elle
sursauta, le regard inquiet.
    – C’est rien que la porte. Veux-tu,
mademoiselle Élise, qu’on aille dans la salle à manger ?
    Elle refusa. M. Philippe ne la quittait
pas des yeux, souriant.
    – C’est quand même une drôle de
coïncidence de se revoir. Elle fit signe que oui, demeurant attentive à tous
les sons et mouvements du train. M. Philippe comprit.
    – Je suis content. Savais-tu que c’est
mes petites filles qui ont usé tes belles robes ?
    Elle tourna la tête et digéra ce qu’elle
venait d’entendre.
    – Mes robes ?
    – Et ta petite salopette qui tenait avec
des oreilles de lapin.
    – Ma petite salopette grise ?
    – Ma Joséphine l’a beaucoup aimée,
celle-là.
    Ils se turent tous les deux. Élise tourna les
yeux vers lui, qui souriait toujours.
    – Est-ce que la robe corail avec des
petites fleurs noires et blanches… ?
    – La préférée de Jocelyne.
    Élise était étourdie. Ses souvenirs venaient
de prendre vie, ici, dans un train.
    – J’avais un beau manteau d’hiver bleu
marine, avec des boutons rouges, un capuchon doublé en rouge et une ceinture de
laine rouge, puis un autre, quand j’étais bébé, qui était en loup-marin jaune.
Est-ce que ça vous dit quelque chose ?
    – Je pense bien… Whillelmine et moi, on
riait, parce que nos filles, que les gens appelaient « les petites
négresses de Saint-Henri », ont toujours été chic comme celles qui
habitaient en haut de l’avenue Atwater.
    Doucement

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