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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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pour aller
soulager un patient fiévreux au teint hâve ou mettre au monde un enfant après
avoir assisté la parturiente. Elle ne comprenait pas qu’une femme qui avait été
si impétueuse, si aventurière dans sa jeunesse, craigne pour sa fille qui avait
choisi de se promener en carriole ou en calèche pour gagner sa vie.
    – Tu n’as pas honte de moi, maman ?
    – Non, pas honte.
    Élise savait que jamais sa mère n’avouerait
être déçue. Heureusement que Micheline répondait à toutes ses attentes en
songeant sérieusement au droit.
    En cette nuit du nouvel an, Élise avait
accepté de travailler pour permettre aux Avoine, ses patrons, d’assister à leur
réveillon de famille, ce qu’ils n’avaient pu se permettre de faire depuis que
M. Avoine travaillait sur le mont Royal.
    – C’est bête à dire, mais c’est une nuit
payante. Le monde se pointe un peu avant le réveillon, ils ont déjà calé pas
mal de bière, de rye ou de gin, puis ils nous donnent des tips effrayants,
soit parce qu’ils sont trop soûls pour compter, soit parce qu’ils ont quelque
chose à se faire pardonner.
    Pour ne pas blesser sa mère et sa sœur,
auxquelles elle faisait faux bond pour le réveillon, elle leur avait promis
d’être là pour le souper et d’avoir un appétit à dévorer seule toute la dinde.
Sa mère avait hoché la tête et dit que ce serait très agréable d’être en
compagnie de ses deux filles pour souhaiter la bienvenue à la nouvelle année.
    Il y avait dans sa carriole un couple
d’amoureux et le frère de la jeune femme, qui leur servait de chaperon, au
grand étonnement d’Élise. Il lui demanda s’il pouvait s’asseoir près d’elle et
elle accepta, non parce qu’elle avait envie de sa présence, mais elle n’avait
su comment refuser. Ils étaient donc là, côte à côte, à renifler et à se
moucher. Seuls quelques petits soupirs leur parvenaient de l’arrière.
    – Si j’avais su que j’allais passer mon
réveillon avec un cul de cheval qui ne cesse de me péter dans la face, je pense
que je ne serais pas monté à Montréal.
    Il souriait et Élise lui rendit son sourire.
    – Vous n’êtes pas de Montréal ?
    – Oui, je suis de Montréal, mais j’étudie
à Sainte-Anne-de-la-Pocatière.
    Élise échappa presque les guides et sentit ses
joues rougir et s’échauffer malgré le froid.
    – Je suis venu voir mon père, qui a
attrapé une angine couenneuse. Il est au lit depuis Noël, puis ma sœur, elle, a
attrapé un fiancé. J’imagine qu’elle aussi aimerait être au lit. Oh !
excusez-moi !
    Élise ne l’écoutait plus. Se pouvait-il qu’il
connaisse Côme ? Curieusement, chaque fois qu’elle était dans sa carriole
à offrir son nez au vent, ses joues à la neige, et à entendre péter le vieil
Oscar, Côme disparaissait à des années-lumière. Et voici qu’en cette première
nuit de la nouvelle année il venait de se glisser près d’elle.
    – Mes premières vacances en ville depuis
septembre…
    – Vous étudiez en quoi ?
    – Je veux être prêtre.
    Élise ne put cacher sa déception. Le jeune
homme éclata de rire.
    – Ça fait de l’effet ! Êtes-vous
déçue que je veuille devenir prêtre ? Est-ce que vous vous êtes dit :
« C’est donc dommage, un si beau jeune homme » ?
    Élise le regarda de nouveau. Il était vrai
qu’il avait fière allure et un joli nez bien droit.
    – Non. J’ai simplement pensé que je ne
connaissais personne qui voulait être prêtre.
    – Vous n’en connaissez pas non plus.
J’étudie pour être agronome. Mon nom est Claude, et le vôtre ?
    – Élise.
    Il éclata de rire de nouveau. Encore une fois,
Élise avala de travers.
    – En dessous de votre peau d’ours, est-ce
que vous êtes en jupe ou en pantalon ?
    – Les deux. Pourquoi ?
    – Parce qu’on pourrait peut-être aller
danser dans un hôtel. Il paraît que dans les hôtels il y a des confettis, des
serpentins, des orchestres, et de la nourriture à nous en écœurer. Il paraît
que c’est autre chose que le violon et l’accordéon.
    – Je ne connais pas ça, le violon et
l’accordéon.
    – Ah !
    Élise se tourna pour voir ce qui se passait
derrière et elle s’empressa de regarder devant. Le jeune homme avait suivi son
regard.
    – On pourrait les emmener à l’hôtel et je
leur louerais une chambre, et nous, on pourrait danser. Ça vous tente ?
    Élise fit non de la tête.
    – O. K. J’ai une meilleure idée.

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