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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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renverse.
    – Je veux pas te tenir, je veux que tu me
tiennes. Je pense que je suis complètement paf.
    Elle ne se sentait guère mieux que lui,
néanmoins elle l’aida à se remettre sur pied et lui dit au revoir.
    – O. K. Au revoir, mais quand ?
    Un taxi passa miraculeusement dans la rue.
Claude le héla et ils y montèrent tous les deux. En fermant la portière, le
jeune homme s’abandonna la tête sur la banquette et s’endormit instantanément.
    – Où on va ?
    Élise le secoua. Il grogna sans s’éveiller.
    – Villeneuve et Drolet.
    Arrivé à cette intersection, le chauffeur
arrêta sa voiture, et Élise, d’une voix un peu pâteuse, lui demanda de l’aider
à transporter Claude jusqu’à la porte de l’écurie. Il accepta gentiment, et il
appuya Claude contre le mur pendant qu’Élise récupérait l’enveloppe pour le
payer. Claude glissa et tomba sur le sol sans s’éveiller. Considérant qu’il en
avait assez fait, le chauffeur remercia Élise et disparut. En chancelant, elle
tira Claude jusqu’à une litière de foin. Elle l’y installa tant bien que mal et
le couvrit avec une des couvertures d’Oscar, celle qui sentait le plus fort.
Ivre et heureuse, elle rentra chez elle à pied.

– 12 –
     
     
    Élise brossait avec douceur le dernier arrivé
des chevaux. C’était un magnifique animal à la robe noire, hybride canadien
depuis l’ancêtre normand, capable de marcher près de soixante milles par jour
sous le soleil ou la neige, et exceptionnel à atteler. Lorsque M. Avoine
en avait pris possession, il n’avait pu s’empêcher de tenir la grosse tête
entre ses mains.
    – Ça, ma fille, c’est une bonne bête. Ses
pattes, c’est pas du cristal qui casse de rien, puis ces sabots-là, c’est pas
des sabots dondaine de Lorraine. Non, ma fille. Du solide. Ils acceptent les
clous sans craquer, les gardent bien plantés, puis attrapent pas de
champignons.
    Il avait demandé à Élise de s’en occuper,
l’animal paraissant sensible à sa voix, évidemment plus chantante que la
sienne. Le cheval était arrivé pour Pâques et les Avoine avaient demandé à leur
employée si elle avait un nom à leur proposer.
    – Poussin.
    – C’est pas grave s’il avait un nom
avant. J’ai pas connu un seul cheval qui reconnaissait son nom. C’est comme
pour le chien de RCA Victor, c’est la voix de son maître qui compte !
    Élise avait tout de suite adopté Poussin, qui,
étonnamment, se nichait le museau dans son cou lorsqu’elle entrait au travail,
avant même de se précipiter sur la moulée. Il le faisait aussi lorsqu’elle
l’attelait pour une sortie, et aussi au retour, comme s’il voulait la
remercier. Poussin était un ami fidèle qu’elle adorait.
    Les journées d’Élise étaient si longues et si
agréables qu’elle devait se faire violence si elle voulait lire un journal ou
aller au cinéma. Pour avoir une ou deux choses à dire à son Côme, elle avait
conservé dans un cahier quelques coupures de journaux décrivant la victoire du
cycliste belge Cerami, qui avait remporté le Paris-Roubaix – elle avait
appris à trouver les villes en un clin d’œil sur la carte – ou l’ouverture
de la bibliothèque Albert-I er Bruxelles. Elle avait aussi su que le
Congo belge avait fêté son indépendance et que le roi s’y était rendu. Elle
avait conservé un reportage de Paris-Match sur le mariage du roi
Beaudoin et de la reine Fabiola, dont la traîne était si longue qu’il lui avait
fallu trois petites filles pour la tenir. Quelques semaines avant l’arrivée de
Poussin, un avion de la Sabena s’était écrasé près de Bruxelles, tuant ses
soixante-douze passagers et un fermier qui labourait son champ. Pauvre fermier
qui travaillait la terre sans s’imaginer qu’elle allait l’engloutir en moins de
deux ! Les morts absurdes chagrinaient Élise profondément.
    – Heureusement, mon Poussin, qu’en
Belgique on laboure avec des tracteurs et pas avec des chevaux.
    Élise n’avait pas été touchée par la défaite
électorale provinciale des conservateurs aux mains des libéraux ni par le
retour de Jean Drapeau à l’Hôtel de Ville de Montréal. Avec Micheline, elle
était allée voir Psycho , le film à suspense d’Alfred Hitchcock, et elles
en avaient fait des insomnies pendant trois jours. Mais ce qu’elle aimait
par-dessus tout, plus même que de s’amuser avec le train du sous-sol, c’était
de s’évader, les jours de pluie, de sauter

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