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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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McLuhan sur la communication l’avaient confortée dans sa
perception du monde, toute fragmentée qu’elle fût depuis son jardin et les
horizons lointains de son ciel campagnard.
    Les matins étaient déjà beaucoup plus tardifs
et elle se demandait de quoi serait fait son automne à Montréal, tout comme
Micheline qui commençait à s’inquiéter du nombre de refus qu’elle essuyait dans
ses recherches d’emploi.
    – Ils me félicitent tous, en me disant
qu’ils m’offriraient peut-être un poste d’assistante si je les contactais après
les fêtes. As-tu déjà vu une histoire pareille ? Mes amis se sont tous
trouvé du travail : l’un au ministère de l’Immigration, trois autres dans
de gros cabinets, et une collègue au Palais de Justice. À elle seulement, on a
dit que, si elle faisait ses preuves, elle pourrait peut-être devenir avocate
de la Couronne. Ça m’écœure ! Les gars ont pas de preuves à faire, eux. On
les embauche, un point c’est tout.
    – En tout cas, maman, j’aimerais bien
qu’on me les montre, les changements. Tu sais, les filles aux mêmes collèges
que les garçons, avec les mêmes diplômes, ça donne quoi ?
    Blanche regarda tristement ses filles, se
contentant de dire que plus ça changeait, plus c’était pareil, mais qu’il
fallait laisser le temps au temps.
    Un soir qu’Élise avait accepté de dépanner
M. Avoine en reprenant son poste de caléchier, elle fit monter un groupe
de beaux jeunes marins norvégiens, étudiants en médecine effectuant leur
service militaire et dont le navire était amarré dans le port. Tous plus
séduisants les uns que les autres avec leurs cheveux blonds proprement
taillés – peut-être un peu trop pour ceux qui aimaient les tignasses à la
Beatles –, ils avaient les yeux dans la gamme du bleu et les dents
resplendissantes. Grands, bien bâtis, ils étaient élégants dans leur uniforme
de la marine, avec le pantalon large, apparenté aux pattes d’éléphant des
jeunes, et la chemise qui permettait de voir la toison plus ou moins fournie de
leurs jeunes torses.
    Élise tenta de répondre à leurs questions du
mieux qu’elle put, mesurant son impardonnable ignorance de l’histoire de son
pays. Aussi se félicita-t-elle de leur avoir proposé d’inviter sa jeune sœur
avocate à se joindre à eux. Micheline était tellement moins sérieuse, moins
ennuyeuse qu’elle-même.
    Ils se rencontrèrent à la Crêpe bretonne de la rue de la Montagne et, comme Élise l’avait prévu, les marins
s’émerveillèrent devant Micheline. Rarement avaient-ils vu une chevelure aussi
longue, aussi lustrée et aussi foncée. Et ces yeux marron ! Quelle joie
pour un regard d’homme sans doute las des déesses blondes aux yeux bleus !
    Élise s’étonnait encore de la coquetterie et
du charme de sa sœur, qui brillait sous le regard quasi lubrique des marins qui
buvaient chacune de ses paroles, riant lorsqu’elle riait, se levant lorsqu’elle
allait aux toilettes, se relevant pour l’accueillir lorsqu’elle en revenait, se
chamaillant presque pour replacer la chaise sous ses fesses. Thor, en revanche,
n’avait d’yeux que pour elle, et elle tentait d’être insensible à la jolie
forme de sa bouche, à l’éclat de ses dents, au velours doré de la repousse de
sa barbe et à ses cheveux en brosse si épais qu’ils cachaient le rose de son
cuir chevelu.
    Élise prit deux chopes de bière, Micheline
plus, et Thor ne cessa de l’interroger sur sa vie, dont elle ne révéla rien
sauf qu’elle était fermière – Thor soupira de bonheur, étant lui-même fils
de fermier – et qu’elle travaillait comme jardinière pour l’Expo –
Thor s’extasia, sa famille étant reconnue pour ses talents d’horticulteurs. Il
lui parla de médecine, elle, de son diplôme de pédagogie. Il n’en revenait pas…
car il se destinait à la pédiatrie.
    Élise se sentait le cœur piqué par le bout de
la fourche de son petit démon, se demandant si la salive de Thor goûtait
uniquement la bière où si on pouvait y reconnaître un goût de Norvège ; si
elle pouvait distinguer d’un léger coup de langue la différence entre un enfant
belge et un enfant d’Oslo. De penser à Côme la blessa, certes, mais ne
l’empêcha pas de fantasmer sur le parfait Viking qui se trouvait devant elle.
    Puis les choses se précipitèrent. Ils se
retrouvèrent à quatre sur le mont Royal, Micheline et le jeune Thorson, Élise
et Thor. La nuit de

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