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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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dans l’eau,
une vraie honte ! Qu’est-ce qu’on va dire de Montréal ? ».
    Montréal recommença pourtant à respirer le
jour où son maire lui confirma officiellement qu’il garderait ouvert le site de
l’Exposition, nommé d’après le thème de celle-ci : Terre des Hommes. On
promit à Élise de la réembaucher si elle le désirait. Quant à Micheline, elle
aurait préféré s’attaquer aux bâtisseurs de motels de carton plutôt qu’au
crêpage de chignon des familles en désespérance.
    Élise se retrouva dans sa petite chambre,
véritable cellule de nonne dont les murs, au fil des jours de plus en plus
ennuyeux, l’étouffaient davantage.
    De voir partir Micheline tous les matins,
coiffée, manucurée, vêtue d’un tailleur gris pâle et d’un trench-coat Aquascutum, et tenant une serviette de cuir noir – cadeau de sa mère, qui y avait
fait graver, à l’encre dorée : « M e M. L. » –, lui vissait son malaise quotidien en plein plexus
solaire. Elle enfilait alors une robe de velours côtelé fleurie et retenait sa
chevelure sous un bandeau qu’elle portait à l’indienne comme Janis Joplin. La
tristesse de novembre lui déteignait sur l’âme et elle envisageait de rentrer au
bercail.
    Elle reçut une lettre enflammée de Thor, qui
lui avouait avoir été capable de regarder son épouse dans les yeux même s’il
rêvait de Montréal – surtout des Montréalaises – la nuit et enrageait
dès qu’il s’éveillait, triste de se retrouver à Oslo. Son service militaire
terminé, il avait réintégré l’école de médecine pour y commencer sa
spécialisation en pédiatrie. Il racontait ses souvenirs du mont Royal, parlant
beaucoup des parfums de la ville, étonnant Élise qui n’aurait jamais cru qu’un
homme puisse être aussi sensible à ce qui l’entourait. Elle ne comprit pas que
c’était sa présence qui avait parfumé et coloré les souvenirs de Thor. Elle
passa la nuit dans les bras de ce dernier, regrettant parfois ses scrupules, et
s’éveilla au petit matin en se disant que si elle avait résisté à un désir
aussi fort, c’est que son amour pour Côme était immense. Elle annonça donc
qu’elle rentrait à L’Avenir. Micheline eut beau protester, elle n’en démordit
pas.
    – Chaque fois que je reçois une lettre de
Thor, je suis bouleversée.
    – Parce que tu as couché avec lui… Je le
savais.
    – Non, justement. En tout cas, je rentre.
Et si je dérange, je prendrai mes cliques et mes claques et je chercherai
quelque chose ailleurs.
    – On pourrait peut-être habiter
ensemble ?
    – C’est pas possible. Toi, tu es bien
quand quelqu’un t’écrase un pied en plein centre-ville, et moi je suis mal si
je marche sur une fourmi en pleine campagne.
    Devant la mine déconfite de sa sœur, qui ne
pouvait concevoir qu’elle quitte Montréal et encore moins qu’elle retourne à ce
Côme pour lequel elle n’avait plus de respect, Élise se contenta de hausser les
épaules.
    – O. K. Tu l’aimes, mais lui ?
    – Il s’aime aussi.
    – C’est vache, ce que tu viens de dire.
    – Qu’est-ce que tu veux que je te dise,
Micheline ? J’ai dit oui.
    – C’est pas une raison.
    – C’était oui pour passer toute ma vie
avec lui.
    – On vit pas dans le même siècle, toi et
moi.
    – Peut-être.
    Blanche fut tiraillée entre ses principes et
la peur viscérale de voir souffrir son aînée. Elle aussi avait cessé de
respecter Côme Vandersmissen et elle n’en voulait plus pour gendre, mais jamais
elle n’aurait osé faire un tel aveu. Elle accompagna donc sa fille à la gare,
traînant le sac contenant ses bottes de caoutchouc, et elle s’assit près d’elle
en attendant le train.
    – Qu’est-ce que tu aurais fait à ma
place, maman ?
    – Je n’y suis pas.
    Blanche tapota la main d’Élise, sans rien dire
d’autre.
    – Eh bien, moi, maman, si j’étais à ta
place, je dirais à ma fille que j’aurais jamais épousé un homme comme Côme
Vandersmissen. Je dirais à ma fille d’être prudente et de pas se jeter dans la
gueule du loup. Je lui dirais de le laisser mariner. Je lui dirais aussi que je
regrette qu’elle n’ait pas rencontré un homme aussi charmant que son père.
Ah ! et puis non, maman, je dirais pas ça à ma fille, parce que je serais
certaine que ma fille ne cesse de se demander comment elle a pu choisir un
homme si différent. Mais surtout je dirais à ma fille que je lui en veux pas.
    Blanche,

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