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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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à Montréal, elle sortit de la voiture sans le remercier. Côme,
insulté à son tour, démarra rapidement.
    Élise marcha jusqu’au Forum, trouva un
fleuriste à l’intérieur du Montreal Children’s Hospital et se dirigea vers le
quartier Saint-Henri. Elle se planta non loin de la maison des Philippe, pour
l’observer sans être vue, puis, trop timide pour frapper à la porte, elle alla
poser les fleurs sur le seuil.
    À mes amis qui viennent de voir s’envoler
un rêve, toutes mes condoléances.
    Élise
L. Vandersmissen
     
    – Mademoiselle Élise ! Que nous vaut
ta belle visite ?
    Élise sursauta. Wilson était derrière elle.
    – Ce n’est pas une visite. Je suis
simplement venue porter des fleurs.
    Wilson fut étonné, bien sûr, mais davantage
touché.
    – Oh ! quelle belle personne tu es
de penser à la tristesse de l’Amérique noire !
    – L’Amérique noire, je ne sais pas, mais
j’ai pensé à vous.
    Wilson demeura silencieux un moment avant de
la remercier de cette délicatesse.
    – Nous sommes tous attristés. Mais s’il a
fallu un tel malheur pour te voir, mademoiselle Élise, c’est presque consolant.
    – Oh ! excuse-moi d’avoir attendu
une catastrophe pour le faire, mais la vie nous offre rarement l’occasion de…
    – La nôtre aussi est très prenante. Je ne
te donne pas de nouvelles non plus.
    Élise ne savait plus quoi faire, se trouvant
ridicule d’être là comme une pleureuse. Il ne lui manquait qu’une mantille noire…
    – Tu sens bon.
    Elle fut saisie.
    – Pourtant, je ne me parfume pas.
    – Justement. Tu sens la terre qui est
pleine de promesses. Tu sens la vie. Tu peux me croire, parce qu’à l’hôpital je
sens trop souvent la mort. Beaucoup trop souvent.
    – Ah ! pauvre toi ! Il faut que
je parte.
    – Entre voir ma mère.
    – Non, merci. Je vais au Jardin
botanique, puis chez maman.
    – Et si je te proposais qu’on aille
manger au restaurant, puis qu’on aille au cinéma ou sur la montagne, après quoi
je te reconduirais chez ta mère ?
    Élise accepta avec plaisir, en se demandant
comment elle avait pu mentir à Côme.
    Ils passèrent finalement l’après-midi dans un
petit restaurant de la rue Atwater, à parler de la vie et de leurs amours,
apparemment radieuses celles de Wilson, dont la femme était peut-être enceinte,
et resplendissantes celles d’Élise.
    – J’ai laissé mon mari pendant un an.
Maintenant, ça va très bien.
    – Où étais-tu ?
    – Ici, à Montréal.
    – Et tu ne m’as jamais téléphoné…
    – C’est que je ne voudrais pas uniquement
t’appeler au secours, Wilson.
    Élise était fascinée par la blancheur de ses
dents et par l’habitude qu’il avait de se taper la cuisse quand il éclatait de
son rire fort et rauque. Elle lui enviait sa façon d’exprimer sa joie.
    Ils traversèrent le marché Atwater et elle
regarda les fleurs et les semences. Wilson lui offrit un plant de dahlia,
qu’elle ne songea même pas à refuser, et, au moment de passer à la caisse, il
courut chercher deux petits pots de pensées, qu’elle accepta également.
    – En tout cas, chaque fois que je regarderai
mes fleurs…
    –… tu penseras à moi.
    Elle fit oui de la tête, puis lui posa la main
sur la joue.
    – Tu m’as fait le plus beau des
compliments, tout à l’heure, en disant que je sentais la terre. Ça veut dire
que je sens l’ozone et la chlorophylle. Peut-être que moi je sens la terre,
mais toi, Wilson, tu es de la couleur d’une belle… terre… riche.
    Wilson avait entendu son hésitation, et si
Élise avait pu, elle aurait vu qu’il avait rougi.
    Il la raccompagna chez sa mère dans une jolie
voiture rouge toute neuve.
    – Ça fait chic, une belle automobile
comme ça !
    – C’est une Ford. C’est mon épouse qui
l’a choisie.
    – Elle a beaucoup de goût.
    Élise pensa à Micheline qui avait dit à
Françoise, aux fiançailles de Claude, qu’elle avait beaucoup de goût pour les
robes et pour les hommes.
    Côme l’attendait assis dans les marches, en
fumant une cigarette. Il fut étonné de la voir descendre d’une Mustang
rutilante. Un Noir d’une apparence encore plus soignée que celle de Sydney
Poitier, mais en qui il reconnut bientôt le fils Philippe, lui avait ouvert la
portière et lui serrait maintenant la main. L’homme sortit ensuite de la
voiture un petit dahlia et deux pots de pensées. Ahuri, Côme vit Élise
l’embrasser sur une joue, comme une vraie

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