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L'absent

L'absent

Titel: L'absent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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allaient crier
« Vive l’Empereur ! ».
     
    Mercredi 27. La princesse Pauline (qui est encore plus
belle que la très belle duchesse de Bassano), la princesse Pauline, disais-je,
ayant promis à l’Empereur de venir à l’île d’Elbe, il a fait des caprices. Nous
avons bifurqué avant Saint-Tropez, où nous attendaient les autres berlines du
convoi, avec le petit général Drouot et les fourgons arrivés sans dommages de
Fontainebleau. Nous ne nous sommes pas arrêtés non plus à Saint-Raphaël, ce
port de pêcheurs où Sa Majesté avait naguère abordé en revenant d’Égypte, et où
des navires l’attendaient pour une autre traversée, mais à Fréjus, «  la
patrie de Tacite », disait-il. À l’auberge du Chapeau rouge, Bertrand lui
a annoncé la visite d’un Anglais que Campbell voulait lui présenter. Ce captain
Thomas Ussher commandait un vaisseau à trois ponts, l’Undaunted, qui se traduit
par l’indompté en français. L’Empereur était debout, un livre à la main, ils
ont causé de l’île d’Elbe, et comment les Espagnols l’avaient autrefois
fortifiée contre les corsaires turcs. Sa Majesté devait embarquer sur le brick
L’Inconstant, mais, inspirée par Campbell, elle préféra prendre la mer à bord
de l’Undaunted. La frégate du captain Ussher était mieux équipée, plus rapide,
elle offrait des commodités, et, surtout, l’Empereur se sentait mieux à l’abri
sous pavillon anglais que sur un bateau qui relevait désormais du roi de
France.
    Les matelots de l’ Undaunted transportèrent à la rame,
sur leurs embarcations à la limite de la surcharge, les nombreux bagages, les
statues, les caisses des fourgons et des berlines qu’ils hissaient à bord avec
de grosses cordes. Le départ était programmé pour le lendemain jeudi, sans que
l’heure en soit précisée, mais le captain Ussher déboula au milieu de la nuit
dans l’appartement que Napoléon occupait au Chapeau rouge. Octave,
devant la porte de la chambre, sur l’ancien lit de sangle de Roustan, sortit
brutalement de ses rêves et s’étonna :
    — Quelle heure est-il ?
    — Presque cinq heures du matin, monsieur, il faut que
l’Empereur se prépare, nous devons lever l’ancre.
    — Si tôt ?
    — Le vent faiblit et cela m’inquiète, les commissaires
des puissances alliées n’ont guère envie que nous croupissions des jours
entiers dans la rade.
    — Le comte Bertrand a commandé les voitures pour sept
heures…
    — Réveillez déjà votre maître, monsieur, je vous
prie !
    — D’où vient ce vacarme ? râlait une voix derrière
la porte de la chambre, qui s’ouvrit sur l’Empereur en chemise de nuit, l’œil
battu et l’air maussade.
    Ussher ne donnait pas la véritable raison de son zèle.
Campbell, en vérité, avait eu des informations : les soldats congédiés de
l’armée d’Italie rentraient en France au cri de Vive l’Empereur ! Il
fallait se dépêcher. Ces trublions pouvaient se détourner sur la côte, empêcher
ou retarder le départ de l’ Undaunted. Ussher était nerveux et Napoléon
apathique.
    — C’est à cause du vent, sire, expliqua Octave.
    — Le vent ?
    — Il peut changer, dit le captain.
    — Qu’il change. C’est son métier de vent.
    — Ma frégate ne demande qu’à appareiller, sire.
    — Et moi, captain, je ne demande qu’à me reposer, je me
sens barbouillé, j’ai mal au ventre et la jambe molle, je risque un malaise, ça
doit être la langouste que j’ai mangée…
    Napoléon prit son temps. Octave assista le valet Hubert pour
maintenir le cérémonial de la toilette. Quand il fut rasé et habillé,
l’Empereur se mit à tourner dans la pièce en méditant. Des bruits violents
montaient de la rue, il leva le sourcil.
    — La populace française est la pire du monde, dit
l’Anglais.
    — Ce sont des girouettes.
    — Ils ne paraissent pas agressifs, dit Octave qui les
observait par la fenêtre ouverte.
    — C’est bien ce que je dis, des girouettes ! Le
soir ils veulent me pendre, le matin ils m’adorent.
    Bertrand vint prévenir que les voitures étaient arrivées.
Napoléon prit son épée, posée sur une table, et l’ajusta à sa ceinture.
    — Allons, dit-il.
    Le captain se détourna pour vérifier que sa propre épée
coulissait bien dans le fourreau, pour la tirer en cas de trouble, mais dès que
l’Empereur parut sur le seuil de l’auberge, la foule amassée fit silence. Des
bourgeois respectueux, des dames en

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