Labyrinthe
parvenue à rentrer chez elle ? »
Baillard acquiesça. Enfin.
« Elle y retourna en août, peu avant l'Assomption, en emmenant Rixende avec elle.
— Guilhem ne fut donc pas du voyage ?
— Non, et ils ne se revirent pas jusqu'à ce que… »
Alice le sentit retenir son souffle.
« Sa fille naquit six mois plus tard. Alaïs l'appela Bertrande, en souvenir de son père, Bertrand Pelletier. »
Les paroles d'Audric semblaient en suspens entre eux.
Une autre pièce du puzzle.
« Guilhem et Alaïs », murmura-t-elle pour elle-même.
Elle revit l'arbre généalogique étalé sur le sol de la chambre à coucher de Grace, à Sallèles-d'Aude, et le nom d'A LAÏS P ELLETIER - du MAS (1193–) , écrit à l'encre rouge. Quand elle était parvenue à lire celui qui se trouvait à côté, elle n'avait vu que celui de Sajhë, en vert, légèrement en dessous.
« Alaïs et Guilhem », répéta-t-elle.
Mes ascendants en ligne directe.
Alice désespérait de savoir ce qui s'était produit au cours des trois mois qu'Alaïs avait passés en compagnie de son époux, pourquoi ils s'étaient de nouveau séparés, pourquoi le symbole du labyrinthe apparaissait près du nom d'Alaïs et de celui de Sajhë.
Et aussi du mien.
Elle leva les yeux, sentant monter en elle une exaltation grandissante. Elle était sur le point de poser un chapelet de questions, quand l'expression d'Audric l'en dissuada. D'instinct, elle comprit s'être trop longtemps attardée sur Guilhem.
« Qu'est-il arrivé, après cela ? demanda-t-elle posément. Est-ce qu'Alaïs et sa fille sont restées à Los Seres auprès de Sajhë et de Harif ? »
Au sourire qui flotta sur le visage de Baillard, Alice comprit qu'il lui savait gré d'avoir changé de sujet de conversation.
« C'était une belle enfant, dit-il. Douce, souriante, d'un naturel agréable, toujours une chanson aux lèvres. Tout le monde l'adorait, Harif en particulier. Bertrande passait des heures en sa compagnie à l'écouter parler de la Terre sainte et de son grand-père, Raymond Pelletier. En grandissant, elle rendit de menus services. Harif commença même à lui enseigner les échecs alors qu'elle n'avait que six ans. »
Audric s'interrompit, le visage de nouveau sombre.
« Cependant, la main noire de l'Inquisition étendait sa recherche. Les plaines ayant été défaites, les croisés se tournèrent vers les forteresses inconquises de Sabarthès et des Pyrénées. Raymond Trencavel revint d'exil en 1240 avec un contingent de chevaliers auxquels se joignit la plus grande part de la noblesse des Corbières. Il n'eut aucun mal à reprendre presque toutes les villes situées entre Limoux et la Montagne Noire. Le pays entier s'était mobilisé : Saissac, Azille, Laure, les châteaux de Quéribus, de Peyrepertuse et d'Aguilar. Pourtant, après presque un mois de combats, il ne parvint pas à reprendre Carcassona. En octobre, il se replia à Montréal. Comme personne ne lui vint en aide, il fut finalement forcé de regagner l'Aragon.
» Un régime de terreur commença aussitôt. Montréal fut rasé jusqu'à la dernière pierre, ainsi que Montolieu. Limoux et Alet capitulèrent. Pour Alaïs comme pour tous, il était clair que le peuple paierait le prix de cette rébellion.
» Êtes-vous allée au château de Montségur, madomaisèla Alice ? reprit-il après un silence. C'est un endroit extraordinaire, peut-être même sacré. Les esprits s'y attardent aujourd'hui encore. Trois de ses côtés sont taillés à même la montagne. Un temple de Dieu en plein ciel.
— Le mont sûr, dit machinalement Alice, rougissant un peu en se rappelant qu'elle citait les propres lignes de Baillard.
— De nombreuses années avant le commencement de la croisade, les chefs de l'Église cathare avaient demandé à Raymond de Péreille, seigneur de Montségur, la reconstruction du castellum en ruine et le renforcement de ses fortifications. Aux environs de 1243, Pierre de Mirepoix, auprès de qui Sajhë avait fait son apprentissage, en était le commandant de garnison. Craignant pour Bertrande et Harif, Alaïs sentit qu'ils ne pouvaient demeurer plus longtemps à Los Seres. Après que Sajhë eut proposé de les accompagner, ils se joignirent à l'exode en route pour Montségur.
» Mais en se déplaçant, ils devenaient aisément repérables. Peut-être auraient-ils dû voyager séparément. Le nom d'Alaïs était à présent sur la liste de l'Inquisition.
— Alaïs était-elle
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