L'affaire du pourpoint
souhaiter, toutefois je me gardai de le préciser.
Penelope se montra impressionnée.
— Avez-vous vu la reine Élisabeth pour de vrai, Mrs. Blanchard ? demanda-t-elle.
— Allons, Penelope, ne vous ai-je pas expliqué à tous que Mrs. Blanchard est une dame d’honneur de la reine, qu’elle a besoin de prendre un peu de repos loin de la cour et qu’elle va m’aider pendant ce temps ? rappela Ann d’un ton de reproche. Parlez-nous de la vie au palais, Mrs. Blanchard. Vous devez côtoyer des personnes renommées. De quelle façon y avez-vous été introduite ?
C’est ainsi que, tandis que Redman servait les poulets et que nous commencions à manger, je parlai de ma vie à Anvers, de ma charge actuelle auprès de la reine et de ma petite fille, que les Henderson accueillaient et éduquaient afin qu’un jour elle aussi pût venir à la cour. Rob ajoutait une remarque à l’occasion. Je savais que j’aurais plutôt dû m’effacer, et écouter la conversation des Mason au cas où elle me livrerait des indices. Je brûlais en outre d’examiner les tapisseries de plus près. Cependant, même si ni Mason ni Crichton ne m’avaient adressé un mot depuis que je m’étais attablée, ces gens étaient mes hôtes et la simple politesse m’obligeait à être agréable. Si l’on me priait de parler, je devais m’exécuter.
Les petits Mason écoutaient avec attention, à présent, et restèrent sages. Penelope, comme pour mieux réfuter le mépris grossier de Philip envers l’intelligence féminine, se mit à me questionner :
— Les gens ordinaires peuvent-ils voir la reine, Mrs. Blanchard ? Je veux dire, en audience, et pas seulement quand elle passe en carrosse ?
— Oui, quelquefois. Peu avant mon départ, elle a reçu un simple horloger qui désirait lui offrir un présent.
— Qu’est-ce que c’était ? demanda George, très intéressé. Une pendule en or tout incrustée de joyaux ?
— Eh bien, c’était à l’intérieur d’un coffret doré, mais en réalité c’était une…
Les façons de Penelope n’avaient pas atteint la perfection en un instant, et elle me coupa avec impatience.
— Bien sûr qu’il y avait des joyaux ! Elle devait être sertie de pierres précieuses ! Oserais-tu offrir à une reine quelque chose qui n’en aurait pas ?
— Oui. Je ne lui offrirais pas une selle décorée de pierres précieuses. Elle ne pourrait pas s’asseoir dessus !
— Allons, allons ! dit Crichton, mais Penelope poursuivit ses questions :
— La reine vit-elle dans un luxe extrême, Mrs. Blanchard ? Mange-t-elle tous les jours dans des assiettes en or ?
J’observai la fillette. Elle ne serait jamais une beauté, avec ce front saillant et cette mâchoire carrée, mais sa joie de vivre lui conférait une séduction particulière. Je ressentis de l’affection pour elle.
— La reine vit avec la dignité qui lui sied, répondis-je en souriant. Lorsqu’elle donne des banquets officiels, alors il y a des assiettes d’or et des serviettes brodées de fils précieux. En de telles occasions, en effet, elle porte souvent des robes parsemées de pierreries – elle aime surtout les perles. Mais elle refuse l’extravagance. Elle recherche l’équilibre entre le devoir d’impressionner les ambassadeurs étrangers et celui d’éviter le gaspillage. En privé, elle porte des robes plus simples et elle ne dîne pas dans de la vaisselle en or massif. Pour sa part, elle se montre frugale, dans la nourriture comme dans la boisson.
— On entend pourtant des rumeurs sur l’extravagance de la cour, dit Crichton, s’adressant enfin à moi. Tant dans la toilette et la décoration que dans les mœurs.
Je secouai la tête.
— La cour est bien gérée, et si les meubles sont beaux, la plupart étaient là avant l’avènement d’Élisabeth ou lui ont été offerts. Elle veille aux finances du royaume et dépense beaucoup moins qu’autrefois la reine Marie.
— Ah ! Pauvre reine Marie ! soupira le Dr Crichton. Elle a commis bien des erreurs, mais c’était une femme malade et désabusée.
— Et aussi encline à de folles dépenses, précisai-je.
Puisque d’aucuns regrettaient le passé, autant leur rappeler quelques vérités.
— La reine Élisabeth s’attache à soutenir le commerce. L’une de ses premières mesures, après son couronnement, a été d’améliorer la monnaie.
Cecil évoquait souvent ce sujet, aussi pouvais-je en parler à
Weitere Kostenlose Bücher