L'affaire du pourpoint
j’attendais de lui tout en l’aidant à faire entrer les poneys dans les stalles. Puis je retournai à la maison, non sans m’assurer que Thomas ne rôdait pas dans les parages.
Enfin, quand les garçons furent partis seller leur monture, j’installai les filles dans notre soupente. J’assignai une tâche à chacune et leur dis que j’avais une lettre importante à écrire.
— Pen, je te nomme une fois encore la responsable générale. Montre le bon exemple à tes sœurs. Je reviens dans moins d’une heure.
De ce côté, j’étais tranquille. Je descendis dans ma chambre et regardai, par la fenêtre, l’atelier de l’autre côté du jardin d’ifs. La double porte était grande ouverte. J’entrevis deux silhouettes qui s’affairaient à l’intérieur. Bon. Mason et Crichton ne viendraient pas me déranger. Je remarquai, non sans réprobation, que Mason portait le pourpoint noir et blanc que je venais de réparer. Ce n’était guère le vêtement qui convenait à une activité manuelle. J’espérais que mes points soigneux ne craqueraient pas.
Une exploration discrète révéla qu’Ann était à l’office, Tilly dans son lit et que la plupart des autres domestiques préparaient le dîner, à la cuisine. Redman changeait la disposition des tonneaux dans le cellier et le jeune Edwin Logan travaillait dans le jardin d’ornement.
Dale et Brockley m’attendaient dans la salle de classe.
— Très bien ! leur dis-je. Mêmes consignes que précédemment. Je ferai aussi vite que possible.
Cette fois-ci, en traversant la galerie, j’étais insensible à la peur. Cette besogne devait être exécutée et, en outre, j’étais si furieuse contre Mason à cause de ses mensonges que, pour l’heure, la rage prenait le pas sur l’appréhension.
Quelques secondes plus tard, je me retrouvai dans le bureau lugubre. Laissant la porte ouverte au cas où mes sentinelles appelleraient, j’inspectai à nouveau le terrain.
Les étagères. Le planisphère. L’armoire gigantesque. J’allai jeter un coup d’œil rapide à l’intérieur. Elle ne comportait pas de serrure, rien qu’une poignée sur chaque porte, et un loquet. Dans la partie droite, des livres s’entassaient sur des étagères. L’autre côté était presque vide, excepté deux ou trois manteaux – l’assurance, pour leur possesseur, de ne pas geler en hiver – suspendus au fond à des crochets, ainsi qu’une chemise et un bonnet de nuit pour le cas où Leonard dormirait quelques heures dans l’antichambre. Une paire de pantoufles en laine était rangée avec soin, tout en bas.
Refermant les portes sans bruit, je m’approchai de la table de travail où régnait l’ordre habituel. Les ouvrages étudiés traitaient soit de musique, soit d’histoire naturelle, avec une prédilection pour les oiseaux. Les quatre coffrets étaient là, de même que les plateaux de bois. Il semblait que mes crochets seraient superflus, après tout, car seuls les coffrets étaient dotés de serrures, dont les clefs étaient obligeamment en place.
Tâchant de procéder avec méthode, je m’attaquai au plateau le plus proche. Nombre de papiers y étaient rangés. La feuille du haut était intitulée : « Remarques sur les limites de l’épinette » et introduisait un essai comparant cette dernière et le clavecin aux instruments à cordes tel le violon – « lequel, d’invention récente mais appelé à demeurer dans la mémoire des hommes, a ceci de remarquable qu’une note, une fois créée, peut être menée crescendo, assourdie ou amplifiée, tandis que les instruments à clavier sont dénués de cette qualité et manquent donc d’expression ».
Ann et Barnabas m’avaient dit, en effet, que Mason tentait de concevoir une nouvelle sorte d’épinette. L’essai se poursuivait en analysant les moyens de pallier les défauts des instruments à clavier dans un langage des plus abscons et émaillé d’abréviations. Rien de suspect dans tout cela.
Feuilletant les documents au-dessous, je trouvai un autre essai sur les principes des horloges à carillon, puis des croquis représentant divers instruments à clavier, certains fourmillant de détails, d’autres vagues comme des ébauches d’idées.
L’un montrait un clavier ; le reste de l’instrument était omis. Cela pouvait être une épinette, des flèches indiquant le mouvement des sautereaux sur les cordes. En ce cas, le mécanisme était étonnant. Si telle était l’invention
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