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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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accourait, portant l’arme courte à poignée de cuivre. « Décidément, dit-il, je ne serai jamais un bon militaire ! »
    Il s’appliquait pourtant de son mieux à le devenir. Tous les jours, il allait à l’exercice. Jourdan, en sa qualité d’ex-soldat de La Fayette, avait été nommé instructeur de la garde nationale. Sur la place Tourny, sous les tilleuls du cours, qui descendait vers les Bénédictins entre des prairies en pente, la petite église Saint-Paul et la manufacture Laforest, les recrues faisaient assidûment l’exercice, en culotte et corps de chemise, car la plupart n’avaient pas encore d’uniforme.
    Avec ses amis du Naveix, avec Antoine Malinvaud, avec des bourgeois, des fils de famille, Bernard s’initiait à l’école du soldat, au port et au maniement méthodique des armes, à la charge en douze temps, aux marches, contremarches, conversions et alignements. Plus jeune, il avait bien souvent, avec les gamins de son âge, passé des matinées dominicales à regarder ici-même les compagnies de la milice s’étirer, se dédoubler, se regrouper par pelotons, par bataillons, en files, en colonnes, en ligne de bataille, pivoter sur les serre-file, évoluer par le flanc, en oblique, en ordre dispersé, puis se resserrer, se déployer à nouveau. C’était magnifique. À son tour, il se trouvait dans les rangs : cela l’amusait beaucoup moins. Cependant il admirait l’ingéniosité du système, perfectionné de siècle en siècle, qui parvenait à régler comme mouvements d’horloge ces évolutions d’hommes en masse, sans désordre ni gêne pour chacun. Il eût toutefois préféré être à la boutique, où ses absences obligeaient Léonarde à le remplacer. Ensuite, quand il rentrait, il lui fallait besogner dur pour préparer les expéditions, aller livrer en ville et à la poste. Enfin, il devait, une fois la semaine à peu près, prendre la garde de jour ou de nuit. Il acceptait néanmoins de bon cœur cette existence plutôt lacédémonienne, en se rappelant avec quelle angoisse, le 29 juillet, sur la place des Carmes, il avait ressenti l’impuissance de ses concitoyens et la sienne à défendre ce qu’ils aimaient. Oh ! on ne craignait plus les « brigands » ! Les fantasmes de ce que les gazettes appelaient la Grande Peur étaient loin, avec leur ridicule, leur mystère. Mystère sur lequel Babet ne lui avait rien appris ; en traitant le Génovéfain de faux moine, elle n’exprimait qu’une opinion. Mais l’alerte pouvait se renouveler sous une forme plus réelle. On avait à préserver aujourd’hui ces incomparables trésors que l’Assemblée, devenue Assemblée nationale constituante, venait de donner au royaume : l’égalité des citoyens, par l’abolition des privilèges, la liberté, par la Déclaration des droits de l’homme. En manœuvrant dans la poussière ou sous les ondées, en apprenant par cœur le Règlement de l’infanterie, en s’entraînant avec ses camarades à de longues marches, Bernard avait le sentiment de participer dans son humble mesure à l’œuvre accomplie par Mounier-Dupré et ses pairs, de garantir leur don merveilleux. « Singulier cadeau ! » disait Léonarde. « Le premier effet de cette liberté dont on nous gratifie, c’est de t’ôter celle de vivre à ta guise, de faire benoîtement ton métier. » La liberté laissait Jean-Baptiste indifférent, elle ne recouvrait aucune réalité pratique à ses yeux, car il n’avait jamais connu la moindre entrave à ses mouvements ni à ses modestes désirs. En revanche, il était heureux de voir établir enfin cette égalité des droits que les petits bourgeois, et les grands comme M. de Reilhac et Naurissane, souhaitaient depuis si longtemps. M. Delmay lui-même en montrait de la satisfaction. « De ce fatras de sottises, il sort tout de même du bon », avouait-il. On était un peu enivré.
    « Rends-toi compte, disait Malinvaud à Bernard, ton cher lieutenant François Lamy d’Estaillac du Chose, maintenant il n’est pas plus que moi, je peux m’asseoir dessus.
    — Point du tout ! Le lieutenant Lamy est infiniment supérieur à ton ignorante personne. Parce que lui, il sait commander la manœuvre d’une compagnie, voire d’un bataillon. Toi, tu ne saurais même pas mettre huit hommes en marche par le flanc. Ni faire exécuter un feu de peloton.
    — Voilà. C’est par justice qu’il nous commande, non plus par droit de naissance. Aussi ne

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