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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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royalistes de sa masse et de sa discipline. Or, le petit Robespierre, grandissant peu à peu, avait pris, aux Jacobins, une place de premier plan, tandis que, Mirabeau disparu, il imposait enfin sa parole à l’Assemblée. Dans cette enceinte, seul le triumvirat – qui depuis la mort de Mirabeau se rapprochait du Roi – pouvait mettre obstacle à cette ascension. Barnave, Alexandre et Charles de Lameth ou Duport s’employaient vigoureusement à combattre les motions de Robespierre, trop rigoureuses à leurs yeux. Avec sa froideur, il triomphait souvent de leur éloquence. Il en trouvait lui-même parfois pour défendre ses chers principes. Par exemple, le 12 mai où, attaquant Barnave au sujet des territoires d’outremer, il s’écriait : « Périssent les colonies s’il doit vous en coûter votre honneur, votre gloire, votre liberté ! » Claude sentait grandir, en même temps que Robespierre, son estime pour cet esprit inflexible, si bien fixé sur la voie révolutionnaire, si sûr de lui. Au milieu des fluctuations de tous, il restait pointé, invariable comme l’aiguille d’une boussole. Il ne sacrifiait rien, à personne. Et pauvre, vertueux et pur dans la corruption générale, les trafics d’influence, les achats de consciences auxquels le triumvirat lui-même n’hésitait pas à recourir, de personne il n’acceptait rien.
    La remarque ironique de Danton jetait un tout autre jour sur cette pureté. Quelque périlleuse qu’elle parût, la manœuvre de Robespierre se justifiait s’il y voyait un moyen d’affermir les gains de la Révolution. C’est ce qu’avait cru Claude.
    « Pensez-vous donc, demanda-t-il, que Robespierre cherche là un avantage personnel ?
    — Mon brave ami ! s’esclaffa Danton. Vous me faites rire. N’en chercheriez-vous pas un, à sa place ? Sommes-nous de petits saints ? Êtes-vous venu ici uniquement par devoir ? Si vertueux que vous soyez, n’avez-vous point une once d’ambition pas trop pure, tout au fond du cœur ? Un certain goût du pouvoir ?
    — Oui, cela est vrai. Peut-être ne déplorerais-je pas tant cette inéligibilité si je ne regrettais pas mon siège.
    — Ah ! mon bon Claude ! dit Danton en riant de plus belle et en lui tapant sur l’épaule. Tiens, tu es admirable ! Ça fait plaisir de voir des hommes comme toi. Un vrai Loustalot ! Ne va pas comme lui mourir de douleur à ton tour. Peu importent les intentions de Robespierre, s’il en a. Il aide au succès de nos idées communes, voilà tout ce qui compte. »
    Claude se demandait si Danton lui-même était bien sincère dans ces idées. Il donnait parfois l’impression de vouloir faire carrière dans la Révolution comme il eût fait, sans elle – moins aisément – carrière aux Conseils du Roi. Sans avoir tous les appétits de Mirabeau, Danton n’en manquait pas de forts, lui aussi. À tout prendre, le décret lui profitait particulièrement, car il serait un des premiers élus à l’Assemblée nouvelle, songea Claude non sans quelque amertume.

VI
    Le début de juin fut pluvieux et assez frais, la chaleur arriva tout à coup vers la fin de la première quinzaine. Le dimanche 19, Claude, Lise et les Dubon avec leur fille, la jeune Claudine qui venait d’atteindre ses quinze ans, étaient allés faire une partie de campagne à Meudon. Ils n’y trouvèrent point la solitude, loin de là. Les petites auberges rustiques étagées au flanc de la butte regorgeaient de Parisiens mis en appétit par le grand air. Certains, étalant des nappes, dînaient sur l’herbe, à l’ombre des vieux chênes. Sur la terrasse des châteaux, on aurait pu se croire au Luxembourg ou bien aux Tuileries tant il y avait de monde. La fraîcheur sous les arbres n’en était pas moins délicieuse, ni moins belle la vue sur les villages de Saint-Cloud, de Boulogne, d’Auteuil, de Passy, disséminés dans la verdure, desîles de la Seine dont la boucle, reflétant le ciel, était aussi bleue que les yeux de Lise. Au loin, dans la plaine dominée par la colline de Chaillot, on apercevait, embués par la brume sèche et estompés dans la distance, la pointe ouest de Paris, avec l’École militaire, le dôme des Invalides dont les dorures scintillaient. On devinait le Champ-de-Mars où s’élevait sur sa pyramide de degrés l’autel de la patrie.
    « La nature, dit Dubon en considérant ce paysage déroulé à leurs pieds, la nature est aussi trompeuse que les hommes. Par son spectacle, elle

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