L'Amour Et Le Temps
MM. Pétion, Mounier-Dupré et Robespierre ont déclaré qu’après le décret rendu sur le sort du Roi, toute pétition était inutile. Il est donc constant que si ces illustres représentants, mus par un ardent amour de la liberté, ont erré, un instant, dans leurs opinions, ils n’ont failli que par un excès de vertu. » Maximilien pouvait se rassurer et vivre paisible chez le brave Duplay qui, ne voulant plus le laisser partir, avait envoyé prendre, rue de Saintonge, la malle noire de « l’illustre représentant ».
Pétion, Robespierre et Claude profitèrent des circonstances pour relever les Jacobins. Ils y réussirent, Maximilien par son humilité, en rédigeant une profession de foi très rassurante, voire flagorneuse pour l’Assemblée ; Pétion par sa fermeté, en refusant d’entendre les Feuillants venus réclamer le local du club et les archives, dont ils se prétendaient possesseurs sous prétexte que Duport et Barnave avaient fondé la Société ; Claude enfin par sa diligence, en écrivant et faisant écrire à toutes les filiales de province pour les éclairer sur le caractère aristocratique des Feuillants : ils avaient commis la maladresse de limiter leur recrutement aux seuls citoyens actifs, c’est-à-dire disposant d’un revenu d’au moins deux cent cinquante francs. Toutes les sociétés provinciales, sauf trois, demeurèrent fidèles à l’ancien club. Quant aux députés scissionnaires, il en revenait chaque jour.
Cependant les Jacobins, à l’Assemblée ou dans les comités, ne se trouvaient plus en nombre suffisant pour empêcher la révision constitutionnelle dans un sens antidémocratique. Ils ne purent que protester, en particulier contre relèvement du cens électoral, qui restreignait pratiquement à la bourgeoisie le droit de vote. Claude pourtant n’était pas hostile à d’autres dispositions par lesquelles on restituerait au Roi une autorité. Si l’on voulait faire l’essai d’une continuation monarchique, il fallait bien fournir à Louis XVI les moyens de gouvernement. Paralysés eux-mêmes par le spectre de l’absolutisme, les Feuillants ne donnèrent à l’exécutif que l’apparence de tels moyens. Du reste, le temps manquait pour un travail sérieux. L’empereur Léopold et le roi de Prusse, réunis en Saxe, à Pillnitz, venaient de publier contre la Révolution française une déclaration, assez molle mais rendue menaçante par le manifeste des comtes de Provence et d’Artois qui l’accompagnait. La réponse à faire, c’était de montrer la France nouvelle unie avec son Roi. On hâta la révision. Les commissaires besognaient au galop. On avait mis deux ans à peser minutieusement les articles. Ils furent revus en quelques jours, votés dans une seule séance. « Nous continuons de nager au beau milieu de l’absurde », disait Claude. Excepté lui et Robespierre, chacun laissait éclater la hâte d’en finir avec cette interminable législature. Elle tournait en débâcle, dans l’impatience et le désenchantement. Barnave considérait comme impossible, avouait-il, l’établissement d’aucune liberté en France. Dans un discours à l’Assemblée, il en vint à dire : « Pour le commun des hommes, la tranquillité est plus nécessaire que la liberté. »
Occupé par tous ses travaux, Claude délaissait un peu Lise qui, de nouveau, comptait les jours. Il lui tardait, à elle aussi, de voir arriver le dernier : celui du départ vers Limoges, vers Bernard. L’Assemblée s’était engagée à se séparer le 30 octobre pour laisser place à la suivante, dite « législative ». Il lui incomberait d’appliquer la Constitution, à laquelle on ne pourrait rien changer avant dix ans. Les opérations électorales, suspendues depuis le 24 juin, avaient repris. Quelques-uns des nouveaux représentants se trouvaient déjà élus. Plus besoin maintenant d’une grande patience, mais moins il restait à attendre, plus le temps durait à Lise.
Le 3 septembre enfin, la Constitution fut soumise à Louis XVI auquel étaient restituées toutes ses prérogatives de roi des Français, avec un statut princier pour sa famille, une importante augmentation de sa liste civile et une garde personnelle. Il avait la liberté de se rendre dans n’importe quelle ville de son choix, pour examiner la Constitution avant de donner réponse. On désigna soixante députés, afin de présenter l’acte au monarque. Pétion, Claude, Buzot en firent partie
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