Lancelot du Lac
derrière des remparts, des tours puissantes et fortifiées, des riches manoirs de notables. Lancelot demanda à son guide : « Ai-je le droit de passer le pont du dragon sans enfreindre la loi du château ? – Tu ne le passeras pas aujourd’hui, car je dois d’abord t’informer des coutumes et des lois qui nous régissent. Seigneur, s’il te plaît, tu passeras la nuit chez moi, et demain, au point du jour, nous reparlerons de tout cela. »
Le Chevalier sans armes l’emmena dans sa tente et le combla d’attentions. Il ne manqua de rien et se montra charmé de la courtoisie de son hôte. Dès l’aube, ils se levèrent, et Lancelot, comme il en avait l’habitude, réclama ses armes. Le chevalier les lui refusa, disant qu’il n’en aurait que faire, et lui recommanda de prendre uniquement son épée. « Monte sur ton cheval et prends garde au grand dommage qui peut t’arriver. » Ils chevauchèrent alors à grande allure vers le fleuve et aperçurent sur le pont un chevalier qui ne portait pas de haubert, plus blanc qu’une fleur des prés : ses vêtements étaient blancs ainsi que son cheval, sa lance et le pennon qu’il tenait dans sa main. « Qui est-ce ? demanda Lancelot. – Tout ce que je peux te dire, répondit le Chevalier sans armes, c’est que je voudrais bien que tu en sois délivré. Par Dieu, j’en suis terrifié pour toi. – Tu cherches à m’impressionner ! » dit simplement Lancelot.
Cependant le Chevalier Blanc était descendu du pont au milieu d’une foule venue voir ce qui allait se passer. Le sonneur de cor fit retentir son instrument. Alors, le Chevalier Blanc prit son élan, plein de morgue et de présomption. Il planta sa lance dans un trou et revint au galop, l’air aussi fier. Son coursier était plus rapide qu’un grand cerf dans les bois ou la lande, plus léger qu’un oiseau de haut vol, plus fin qu’une flèche d’arbalète. Alors, le Chevalier sans armes l’aborda et lui dit : « Seigneur, je te demande grâce pour le chevalier que tu vois. Laisse-le-moi sain et sauf ! – Ne m’importune pas, répondit le Chevalier Blanc. Ta prière est inutile et je ne l’écouterai pas. Il perdra la tête et la vie. Sans doute est-il vaillant, mais il a fait grande folie en entrant armé dans les landes. Le fou doit payer son extravagance. Le sage en tirera leçon. »
Le Chevalier sans armes revint vers Lancelot. « Il serait peut-être temps de m’expliquer ! dit celui-ci. – Eh bien, il me faut t’annoncer ta perte. Tu dois faire la course avec ce chevalier blanc. Et par malheur chacun doit mettre sa tête en jeu. Vous allez rejoindre tous deux la même ligne de départ, et quand je donnerai le signal, vous commencerez la course. Le premier qui s’emparera de la lance fichée dans le sol aura gagné la tête de son adversaire, s’il n’est pas gracié. – Cela semble correct », dit froidement Lancelot.
Au signal, ils éperonnèrent leurs chevaux. Mais Lancelot, en cavalier expérimenté, s’arrangea pour gêner le Chevalier Blanc, et pour donner finalement un coup d’épée dans la tête de son cheval. La monture s’écroula, entraînant dans sa chute son maître. Lancelot força alors le galop de son propre cheval, arriva à la lance et l’arracha promptement. Il revint triomphalement vers son adversaire, l’épée haute, et lui aurait volontiers tranché la tête, si le Chevalier sans armes n’avait pas imploré la grâce du vaincu. « Je te le laisse, murmura Lancelot. Je te dois bien cela ! » Et il remit son épée au fourreau comme si de rien n’était.
Cependant la nouvelle de la victoire de Lancelot se répandit rapidement. Un messager traversa le pont, sans cheval, et s’en alla vers le château. Là-haut, dans le donjon principal, se tenaient une dame, des seigneurs et de nombreux familiers. Le messager raconta ce qui était arrivé et la dame ne put qu’exprimer son admiration : « Quelle prouesse ! dit-elle. Qui est ce chevalier ? – Il est de la maison d’Arthur. On dit qu’il est venu pour l’aventure. Personne ne résiste devant lui. » À ces mots, un chevalier d’une puissante stature, hardi et fameux combattant, se leva. « J’irai moi-même le combattre, dit-il, et l’on verra bien si personne ne résiste devant lui. Je me fais fort de tant le divertir qu’il n’aura plus jamais envie de faire la cour aux dames ! »
Ce jour-là, les commentaires allèrent bon train dans le château et sur la
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