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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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fantastiques.
    *
    Les formes rouges qui se déformaient en grimaçant hurlaient des mots incompréhensibles qui lui heurtaient douloureusement les tempes. Il repoussa violemment de la main un éventail qui lui avait frappé le nez et tenta de se redresser pour faire face aux agresseurs, car il était allongé par terre. Sous l’effort, l’arrière de son crane explosa dans une fulgurance qui irradia son dos jusqu’au sacrum. François passa nerveusement sa main sur son visage et réveilla l’odeur dégoûtante du sang. Il se tourna sur le côté et vomit.

    Un visage se cristallisa parmi les taches floues. L’Indienne lui demanda s’il allait mieux. La question le prit de cours, et il se demanda par rapport à quoi il pouvait aller mieux, la figure en sang et le dos rompu. Il tenta d’expliquer son doute et y renonça car ses lèvres tuméfiées ne formulaient que des mots boursouflés. De l’eau gicla sur sa figure, dont il attrapa quelques gouttes, le reste coulant en filets frais à l’intérieur de sa chemise, le surprenant un peu mais sans désagrément. Juste au-dessus de son visage, la jeune femme lui offrait des yeux compatissants et des seins libérés par sa posture charitable. Il remercia le ciel d’avoir d’abord accommodé son œil valide sur ce bonheur. Elle était jolie et il fut agacé, meurtri plus exactement, de se montrer à elle en si piètre condition physique.
    Il replia ses jambes, roula sur le ventre et se redressa sur ses avant-bras puis sur un genou après l’autre. L’Indienne le saisit par le bras et le retint pendant qu’il cherchait son équilibre. Le cercle de curieux autour de lui oscillait d’un bord et de l’autre. Il s’adossa au mur derrière lui et ferma les yeux, les mains crispées sur son ventre. La nausée revenait à nouveau, arrivant de très loin. Elle grandissait pour l’envahir encore.

    François se réveilla sur son lit, le nez sur le traversin. Arunachalam aidé de sa femme chinoise était occupé à oindre les plaies de son dos avec une pâte à l’odeur très forte. Dès qu’il le vit revenu à lui, son soigneur lui indiqua, avant même de lui demander comment il se sentait, que l’onguent s’appelait mocebar et il le décrivit comme un mélange proportionné de camphre, d’aloès, de myrrhe et de gomme de lentisque. Sa chemise déchirée et noircie de sang coagulé était soigneusement pliée sur son coffre.
    — Que m’est-il arrivé ?
    — Tien Houa vous a trouvé par terre tout près d’ici, gisant au milieu d’un cercle de badauds. Selon les témoins, vous avez été rossé par trois Cafres qui vous suivaient et ont fondu sur vous par derrière.
    — Je n’avais sur moi rien à voler que quelques bazarucos. Mon seul bien vaillant est ma pierre d’aimant. Je la laisse toujours ici sous clé dans mon coffre.
    — Il semble qu’ils cherchaient seulement à vous tuer à coups de gourdins et ils ont presque réussi. Rien de plus. Retournez-vous doucement et buvez.
    Le bol contenait un liquide translucide d’un gris tirant sur le vert, d’une horrible amertume.
    — C’est un remède à base d’aloès pilé, de girofle et d’écume de bois de Chine infusés dans le kanjî, l’eau de cuisson du riz. C’est une liqueur excellente pour tous les flux mauvais. Maintenant je vais vous passer ma pommade sur les lèvres et sur votre œil. D’ici une heure vous ne sentirez plus rien. Dans deux jours, vos plaies seront cicatrisées et dans une semaine il n’y paraîtra plus. Notre médecine est très efficace.
    — Me tuer ? Je suis ici depuis quinze jours et je ne connais personne hormis un marchand français et un jésuite.
    — À Goa, les Européens s’assassinent entre eux pour des motifs futiles. Alors, les bastonnades sont des péripéties courantes. De dos, ces diables verts vous auront pris pour un autre.
    — Vous avez dit verts ? Encore ! C’est la troisième fois que je croise des Cafres portant cette couleur.
    — Tien Houa a entendu dire que vos agresseurs portaient une livrée verte. Ma potion va vous aider à vous endormir. Reposez-vous.

    L’affaire s’éclaircit lorsque Jean rentra de sa promenade sur les cinq heures
    — La Casa da Moeda ! Bien sûr ! C’est de là que sortaient tes domestiques peints en vert et donc tes agresseurs. Dom Henrique de Matos Macedo, ce haut fonctionnaire avare et décharné, que nous avons délogé à bord de Nossa Senhora do Monte do Carmo . Il est rien moins que le

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