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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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a
envoyé chercher, n’est-ce pas ? Donc, après, nous continuerons à faire du
bruit. Nous allons nous transformer en bêtes malfaisantes, Robbie. Nous allons
donner des cauchemars au comte de Coutances.
    — Tous les deux ?
    — Oui, toi et moi, confirma Thomas, et, ce disant, il
s’aperçut que Robbie était devenu un ami. Je crois qu’à nous deux, nous allons
pouvoir semer le trouble, ajouta-t-il avec un sourire.
    Et ils allaient s’y mettre la nuit même. En cette nuit
froide et inhospitalière, sous cette lune qui se détachait, vive et argentée,
sur le ciel noir, ils allaient faire en sorte de provoquer le premier de ces
cauchemars.
     
    Ils partirent à pied. En dépit de la demi-lune qui brillait
au ciel, on n’y voyait goutte sous les arbres, et Thomas se demanda avec
inquiétude si ces bois de Normandie recelaient eux aussi des démons, des lutins
et des spectres. Jeannette lui avait raconté qu’en Bretagne, les ténèbres
étaient parcourues de nains et de gorics, tandis que, dans le Dorset, c’était
l’Homme Vert qui grondait dans les bois, derrière la colline de la Lipp. Les
pêcheurs évoquaient aussi les âmes des noyés qui, parfois, venaient se traîner
sur le rivage en pleurant sur les femmes qu’ils avaient abandonnées. La nuit de
la Toussaint, le Malin et les morts sortaient des tréfonds de la terre pour
venir danser la sarabande à Maiden Castle, et, les autres nuits, des esprits de
moindre importance avaient coutume de hanter les alentours du village, de la
colline, le clocher de l’église, tous les environs. C’était pour cette raison
que nul ne délaissait sa maison la nuit sans un morceau de ferraille, ou une
branche de gui ou, au moins, un morceau de tissu qui avait été touché par une
sainte hostie. Le père de Thomas détestait ces superstitions, mais lorsque ses
ouailles levaient les mains pour recevoir le sacrement et qu’il apercevait un
morceau de tissu dissimulé dans leur paume, il ne le leur refusait pas.
    D’ailleurs, Thomas avait lui aussi ses superstitions. Il ne
ramassait son arc que de la main gauche ; la première flèche tirée par un
arc nouvellement tendu devait être tapotée par trois fois contre le bois, une
fois pour le Père, une fois pour le Fils et la troisième fois pour le
Saint-Esprit ; il ne portait jamais de vêtements blancs et chaussait sa
botte gauche avant la droite. Pendant longtemps, il avait porté une patte de
chien autour du cou, puis il l’avait jetée, convaincu qu’elle lui portait
malchance ; mais depuis la mort d’Eléonore, il se demandait s’il n’eût pas
mieux fait de la garder. Du souvenir d’Eléonore, il passa à celui de la beauté
plus ténébreuse de Jeannette. Se souvenait-elle de lui ? Il essaya de ne
plus penser à elle, car penser à d’anciennes amours pouvait porter malchance.
Vite, il toucha un tronc d’arbre en passant afin de purifier son cœur de cette
pensée.
    Il chercha en vain la lueur rouge des feux de camp derrière
les arbres, signe qu’ils s’approchaient d’Evecque, mais la seule lumière
visible était l’éclat argenté de la lune prise dans les hautes branches. Les
nains et les gorics… qu’était-ce exactement ? Jeannette lui avait dit
laconiquement qu’il s’agissait d’esprits qui hantaient le pays. Sans doute
existait-il quelque chose de similaire en Normandie… à moins qu’il n’y ait des
sorcières ? Vite, il toucha un nouveau tronc.
    Sa mère croyait fermement aux sorcières, et son père aussi,
car il lui avait appris à dire son Pater au cas où il se perdrait. En effet,
selon lui, les sorcières s’emparaient des enfants perdus. Plus tard, bien plus
tard, son père lui avait appris que les sorcières invoquaient le Malin en
commençant par dire le Pater à l’envers. Bien entendu, Thomas avait essayé,
mais jamais il n’avait osé finir la prière. Olam a son arebil des , ainsi
commençait le Pater à l’envers. Il s’en souvenait toujours, y compris des
difficiles inversions de temptationem et supersubstantialem. Mais
il se gardait bien de jamais achever la prière de peur de provoquer
l’apparition soudaine d’une odeur de soufre, suivie du jaillissement d’une
série de flammes et enfin de la vision terrifiante du diable descendant des
airs porté par des ailes noires, et trouant la nuit avec des yeux
incandescents.
    — Qu’est-ce que tu marmonnes ? lui demanda Robbie.
    — J’essaie de dire supersubstantialem à
l’envers.
    Robbie

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