L'archer du Roi
entendre l’histoire de
cette blessure. Lorsque le récit fut achevé, il remercia messire Guillaume de
l’aide qu’il avait apportée à son ami. Thomas et Robbie, en revanche, reçurent
un accueil plus froid, le dernier parce qu’il était écossais, et le premier
parce que Totesham ne gardait pas un bon souvenir de lui.
— Vous ne nous avez causé que des ennuis, dit le
commandant sans ambages, toi et ta comtesse d’Armorique !
Thomas saisit la balle au bond.
— Elle est ici ? s’empressa-t-il de demander.
— Oui-da, elle est revenue, répondit Totesham,
visiblement sur ses gardes.
— Dans ce cas, nous pouvons retourner chez elle, Will,
proposa-t-il.
— Non, vous ne pouvez pas, répliqua le commandant d’un
ton ferme. Sa maison a été vendue pour dettes, elle l’a perdue. Depuis, elle
n’arrête pas de crier au vol, mais elle a été vendue en toute justice. Et le
notaire qui l’a achetée nous a payé une quittance pour qu’on le laisse
tranquille, et je ne veux point qu’on l’inquiète. Vous pourrez trouver un gîte
aux Deux Renards, vous deux. Venez donc partager mon dîner.
Cette invitation était expressément adressée à Will Skeat et
à messire Guillaume, et non à ces deux trublions de Thomas et Robbie.
Les deux compagnons trouvèrent une chambre à partager à la
taverne des Deux Renards et ensuite, après que Robbie eut goûté sa première
gorgée de bière de Bretagne, Thomas se rendit à l’église Saint-Renan qui était
l’une des plus petites de la ville mais aussi l’une des plus riches, grâce à la
générosité du père de Jeannette. Celui-ci avait fait construire un clocher et
peindre de belles fresques sur les murs.
Cependant, l’heure était trop tardive pour permettre à
Thomas d’admirer le Sauveur marchant sur les eaux de la Galilée ou les âmes des
damnés précipitées dans les feux de l’enfer. L’unique lumière provenait de
quelques cierges allumés sur l’autel, où un reliquaire d’argent conservait la
langue de saint Renan. Mais un autre trésor était caché sous l’autel, presque
aussi rare que la langue d’un saint, et Thomas voulait le consulter. C’était un
livre, un don du père de Jeannette, que le jeune homme avait été étonné de
trouver en ce lieu, non seulement parce qu’il avait échappé au pillage –
bien qu’en vérité les livres ne fussent pas un butin très recherché par les
soldats – mais tout simplement parce que les livres étaient rares. Et
cette petite église bretonne renfermait un trésor : une bible. Il manquait
la plus grande partie du Nouveau Testament, à l’évidence parce que des soldats
avaient pris les pages manquantes pour les utiliser dans les latrines, mais
tout l’Ancien Testament était intact.
Thomas s’avança parmi les vieilles dames vêtues de noir qui
priaient dans la nef et trouva le livre sous l’autel. Il souffla dessus pour
ôter la poussière et les toiles d’araignées, puis le posa à côté des cierges.
L’une des femmes intervint en protestant d’une voix sifflante contre son
attitude sacrilège, mais il n’y prêta aucune attention.
Il feuilleta les pages rigides de l’ouvrage en s’arrêtant
parfois pour admirer une capitale ornée d’enluminures. Il y avait une bible
dans l’église Saint-Pierre de Dorchester, et son père en possédait une
également. De même, il en avait vu un certain nombre à Oxford, du temps où il était
écolier, mais il n’avait pas eu l’occasion d’en voir beaucoup d’autres. Alors
qu’il s’extasiait sur la patience déployée par les moines pour copier une œuvre
aussi volumineuse, les murmures augmentèrent dans la nef et bientôt les pieuses
femmes, scandalisées, se liguèrent contre lui pour exiger qu’il s’éloigne de
l’autel sur-le-champ.
Pour avoir la paix, il recula de quelques pas et s’assit en
tailleur, le lourd volume sur les genoux. Mais il était maintenant trop loin de
l’éclairage pour pouvoir déchiffrer l’écriture souvent difficilement lisible.
Les capitales décorées avec soin étaient l’œuvre d’un artiste, mais les lettres
du texte étaient serrées et sa tâche était rendue encore plus ardue par le fait
qu’il ne savait où trouver le passage qui l’intéressait.
Il commença par la fin de l’Ancien Testament, mais ne trouva
pas ce qu’il cherchait. Il revint en arrière. Ce qu’il voulait savoir
n’apparaissait pas dans les Psaumes. Il feuilleta rapidement les pages,
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