L'archer du Roi
échouer parce que nous avons une règle claire et stricte, et que cette règle
ne sera point enfreinte ! Personne ne quittera son camp !
Personne ! Vous resterez derrière vos murs ! Nous nous battrons à
pied, nous formerons nos lignes de bataille et nous les laisserons venir à
nous. Nos arbalétriers faucheront leurs archers, et nous, nous anéantirons
leurs hommes d’armes. Mais personne ne quittera son camp ! Personne !
Nous ne serons pas les cibles de leurs arcs. C’est bien compris ?
Le seigneur de Châteaubriant voulut savoir ce qu’il devait
faire si, pendant qu’il se trouvait dans son camp au sud, on se battait dans un
autre fort.
— Dois-je me contenter de regarder ? demanda-t-il,
incrédule.
— Oui, vous vous contentez de regarder, répondit le duc
Charles d’une voix coupante. Vous ne quittez pas votre camp. C’est
compris ? Les archers ne pourront pas tuer ceux qu’ils ne verront
pas ! Vous resterez cachés !
Le seigneur de Roncelet fit remarquer que les cieux étaient
clairs et la lune presque pleine.
— Dagworth n’est pas fou, dit-il, et il saura que nous
avons construit ces forteresses et nettoyé le terrain pour les empêcher de se
couvrir. Pourquoi n’attaquerait-t-il pas de nuit ?
— De nuit ?
— De nuit, nos arbalétriers ne distingueront pas leurs
cibles, mais grâce à la lune, les Anglais verront assez clair pour se frayer un
chemin à travers nos retranchements.
C’était un bon point pour lui, que Charles reconnut en
hochant la tête d’un mouvement brusque.
— Des feux, dit-il.
— Des feux ?
— Préparez des feux ! De grands feux ! Quand
ils arriveront, vous les allumerez. Vous changerez la nuit en jour !
Ses guerriers éclatèrent de rire. L’idée leur plaisait. Ce
n’était pas en se battant à pied qu’un seigneur et un chevalier acquéraient
leur renommée, mais Charles avait réfléchi au moyen de défaire les redoutables
archers anglais, et ses idées étaient bonnes même si elles offraient peu
d’occasions de s’illustrer. Et il leur promettait une consolation.
— Ils se replieront, et quand ils le feront, je ferai
sonner sept coups de trompette. Sept ! Quand vous entendrez la trompette,
vous pourrez quitter vos campements et vous lancer à leur poursuite.
Il y eut un murmure d’approbation. Aux sept coups de
trompette, ils se mettraient en selle et se lanceraient à la poursuite des
rescapés pour les achever.
— Ne l’oubliez jamais ! leur rappela Charles avec
un nouveau coup de poing sur la table. Ne l’oubliez jamais ! Vous ne
quittez pas votre campement avant d’entendre le son de la trompette !
Restez derrière les tranchées, restez derrière les murs, laissez l’ennemi venir
à vous et nous remporterons la victoire.
Il hocha la tête pour signifier qu’il en avait terminé.
— Et maintenant, nos prêtres vont vous entendre en
confession. Purifions nos âmes afin que Dieu puisse nous récompenser par la
victoire.
À six lieues de là, dans le réfectoire à ciel ouvert d’un
monastère qui avait été pillé et abandonné, un petit groupe d’hommes s’était
réuni. Son commandant était un homme grisonnant originaire du Suffolk, sans
grâce et bourru, conscient de se trouver face à un défi colossal en venant en
renfort à La Roche-Derrien.
Sir Thomas Dagworth écouta un chevalier breton lui rapporter
ce que ses éclaireurs avaient découvert : Charles de Blois et son armée se
trouvaient toujours dans les quatre campements placés en face des quatre portes
de la ville. Le plus grand campement, où flottait la bannière à l’hermine de
Charles, était à l’est.
— Il est près du moulin à vent, dit le chevalier.
— Je me souviens de ce moulin, dit sir Thomas, en
faisant courir ses doigts à travers sa courte barbe grise, comme de coutume
lorsqu’il réfléchissait. C’est là que nous devons attaquer, poursuivit-il à
voix basse, comme se parlant à lui-même.
Un chevalier le mit en garde :
— C’est là qu’ils sont le mieux armés.
— Donc, nous allons créer une diversion, dit sir
Thomas, se tirant de sa songerie. John (il se tourna vers un homme en cotte de
mailles usée), prends tous les valets du camp. Prends les cuisiniers, les scribes,
les palefreniers, tous ceux qui ne sont pas des guerriers. Ensuite, tu prendras
les chariots et tous les chevaux fatigués et tu feras une approche par la route
de Lannion. Tu la connais ?
— Je saurai la
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