L'archer du Roi
rappelant le forfait accompli par les
Écossais lorsqu’ils détruisirent le grand prieuré de Hexham.
— Ils ont profané la sainte église de Dieu ! Ils
ont tué les frères ! Ils ont détroussé le Christ en personne et fait
couler les larmes sur les joues de Dieu ! Accomplissez sa vengeance !
N’ayez aucune pitié !
Près de lui, les archers attendaient l’assaut, pliant les
doigts pour les assouplir, se léchant les lèvres et gardant les yeux fixés sur
l’ennemi qui ne faisait pas mine d’avancer.
— Vous allez les faire périr, continuait à vociférer le
prieur, et Dieu vous bénira ! Il enverra une pluie de bénédictions sur
vous !
— Ils veulent que nous les attaquions, observa le frère
Michael, que l’ardeur guerrière de son prieur paraissait embarrasser.
— Oui-da, dit lord Outhwaite, et ils croient que nous
attaquerons à cheval. Vous voyez les piques ?
— Les piques sont tout aussi efficaces contre ceux qui
se battent à pied, Monseigneur, objecta frère Michael.
— C’est juste, c’est juste, approuva lord Outhwaite. Ce
sont de fort méchantes choses, les piques.
Il se mit à jouer avec quelques mailles lâches de sa cotte
et parut surpris lorsqu’il en retrouva une entre ses doigts.
— Vraiment, j’aime bien sir Douglas, reprit-il sans
transition. Nous allions à la chasse ensemble lorsque j’étais son prisonnier.
Nous avons attrapé quelques beaux sangliers à Liddesdale, je me souviens… Oh,
ces tambours… Quel vacarme !
Rassemblant tout son courage, le jeune moine demanda :
— Est-ce nous qui allons donner l’assaut ?
— Dieu du ciel, j’espère bien que non ! s’exclama
Sa Seigneurie. Ils sont bien trop nombreux ! Mieux vaut tenir notre
position et les laisser venir à nous.
— Et s’ils ne viennent pas ? objecta Thomas.
— Alors, ils rentreront chez eux les poches vides, et
ils n’aimeront pas cela, ils n’aimeront pas cela du tout. Ils ne sont venus que
pour le butin ! Voilà pourquoi ils nous détestent tant.
Thomas ne suivait pas le raisonnement de Sa Seigneurie.
— Ils nous détestent, répéta-t-il, parce qu’ils sont là
pour le butin ?
— Ils nous envient, jeune homme ! Ils étouffent
d’envie ! Nous avons des richesses, ils n’en ont pas, et il existe peu de
choses plus propres à engendrer la haine qu’un tel déséquilibre. J’avais un
voisin à Witcar qui paraissait un gaillard fort sensé, et cependant, il tenta
de tirer parti de mon absence lorsque je fus capturé par Douglas. Il tendit une
embuscade avec ses gens pour essayer de mettre la main sur l’argent de ma
rançon ! N’est-ce pas incroyable ? C’était de la pure envie, ce me
semble, car il était pauvre.
— Et à présent, il est mort, monseigneur ? demanda
Thomas, amusé.
— Que nenni, s’exclama Sa Seigneurie d’un ton
réprobateur, il est dans un trou très profond au fond de ma geôle ! Tout
au fond, avec les rats. Je lui envoie quelques pièces de temps à autre pour lui
rappeler pourquoi il croupit là.
Tout en parlant, il s’était dressé sur la pointe des pieds
pour scruter l’horizon à l’ouest, où les collines étaient plus hautes. Puis il
chercha des yeux d’éventuels hommes d’armes écossais susceptibles de
s’approcher à cheval pour donner l’assaut par le sud, mais il ne vit rien.
— Son père, dit-il, faisant allusion à Robert Bruce,
son père n’aurait pas commis l’erreur d’attendre par là-bas. Il aurait envoyé
des hommes pour nous contourner par les flancs afin de nous mettre la peur au
cul, mais ce béjaune ne connaît pas son métier, pas vrai ? Il n’est pas du
tout à sa place !
— Il a mis sa confiance dans le nombre, dit frère Michael.
— Et peut-être le nombre va-t-il suffire, répondit Sa
Seigneurie d’un air sombre en se signant.
Thomas, maintenant qu’il avait vue sur le terrain séparant
les deux armées, comprenait le mépris de lord Outhwaite pour le roi d’Écosse,
qui avait formé ses lignes au sud des masures incendiées, là où était tombée la
croix au dragon. Non seulement l’étroitesse de la crête enfermait les Écossais
en leur ôtant toute chance de déborder les Anglais pourtant en nombre
inférieur, mais, pis encore, le champ de bataille était obstrué par d’épaisses
haies d’épines noires et au moins un mur de pierre. Aucune armée n’eût été en
mesure d’avancer au milieu de tels obstacles en espérant garder sa
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