L'archer du Roi
l’ennemi à coups d’épée et
de hache, tandis que pouvaient les flèches tirées depuis la gauche. Le vacarme
produit par les hurlements des guerriers des rangs arrière, les cris des
blessés, le cliquetis des lames qui s’entrechoquaient, le choc des épées sur
les écus et le claquement des lances contre les piques, était assourdissant.
Empêchés par le mur de repousser l’adversaire, les combattants des deux camps,
coincés par la pierre et gênés par les morts, plongeaient en avant, frappaient,
taillaient, souffraient, saignaient et trépassaient.
Mais sur le flanc droit, qui se trouvait sous le
commandement de lord Neville et lord Percy, le mur n’était pas terminé. Ce
n’était guère qu’un empilement de pierres qui n’opposait aucun obstacle à
l’assaut par l’aile gauche des Écossais, commandée par le comte de March et par
le neveu du roi, lord Robert Stewart. Leur division, la plus proche de la
ville, était celle qui comptait le plus d’hommes, et elle fondit sur les
Anglais telle une meute de loups assoiffés de sang.
Les archers s’enfuirent devant cet assaut meurtrier comme
les moutons qui se dispersent avant la capture. Au moment suprême de la charge,
les défenseurs reculèrent de vingt pas. Puis ils parvinrent à contenir
l’avancée des Écossais qui trébuchaient sur les corps des blessés et des morts.
Les Anglais, serrés épaule contre épaule, s’accroupirent derrière leurs écus et
répliquèrent, plongeant en grognant et ahanant leurs épées dans les chevilles
et les visages, afin de contenir l’énorme pression exercée par la horde
écossaise.
Combattre dans les premiers rangs n’était pas chose aisée. La
pression exercée par l’arrière était telle qu’Anglais et Écossais se
retrouvaient serrés les uns contre les autres tels des amants, trop proches
pour pouvoir lever l’épée, sauf pour porter un coup d’estoc maladroit. À
l’arrière, les rangs disposaient de plus d’espace. Un Écossais, maniant sa
pique comme une hache géante, fendit un heaume, ainsi que la doublure de cuir,
le cuir chevelu et le crâne de sa victime aussi aisément qu’une coquille d’œuf.
Le sang jaillit et aspergea tous ceux qui l’entouraient lorsque l’homme
s’écroula, livrant le passage à de nouveaux Écossais qui purent s’introduire
dans l’ouverture ainsi formée. L’un d’eux trébucha sur le corps et poussa un
hurlement en sentant dans sa nuque offerte la lame nue d’un couteau anglais. La
pique écossaise s’abattit de nouveau et, cette fois, en relevant son arme
ensanglantée, l’homme des tribus ramena en même temps la visière en miettes de
sa victime.
Les tambours, ceux qui étaient encore entiers, avaient
repris leur vacarme, entraînant les guerriers à trucider en cadence, les uns en
scandant : « David Bruce ! David Bruce ! », les autres
en invoquant leur saint patron : « Saint André ! Saint
André ! ».
Lord Robert Steward, chamarré de bleu et de jaune et
arborant un fin filet d’or sur le devant de son heaume, utilisait une épée à
deux poignées pour frapper les hommes d’armes anglais qui essayaient de se
mettre à couvert devant le déferlement ennemi. Lord Robert, qui avait été
épargné par les flèches, avait soulevé sa visière.
— En avant ! cria-t-il à ses hommes. En
avant ! Sus à l’ennemi ! Tuez-les ! Tuez-les !
Le roi avait promis que la fête de Noël se passerait à
Londres et cette promesse paraissait en voie d’être tenue. Il suffisait pour
cela de briser la maigre défense d’une petite bande d’hommes terrorisés. Les
richesses de Durham, de York et de Londres n’étaient plus qu’à quelques coups
d’épée. Une poignée de morts les séparait de l’or dissimulé dans les coffres de
Norwich et d’Oxford, de Bristol et de Southampton.
— Écosse ! Écosse ! Écosse ! cria lord
Robert. Écosse !
Et le piquier, empêché par la visière qui s’y était
accrochée d’utiliser sa lame, abattit son arme sur un heaume qui passait à sa
portée, en l’utilisant du côté du crochet. Il ne transperça pas le métal, mais
s’acharna à marteler le heaume brisé, qui s’enfonça dans le cerveau de l’homme
agonisant, faisant jaillir de la cervelle et du sang par les fentes de la
visière.
Un Anglais poussa un hurlement, transpercé par une pique qui
traversa sa cotte de mailles et s’enfonça dans son bas-ventre. Un jeune garçon,
peut-être un page, recula en
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