L'archer du Roi
écus. Lorsque le bruit
caractéristique des flèches cessa, ce fut pour laisser la place aux
gémissements et aux pleurs des agonisants, au craquement du cuir et aux
halètements de ceux qui tentaient de s’extraire de la pile des mourants.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? interrogea Robbie.
— Nous n’avons pas bien évalué le terrain, lui expliqua
son oncle. Nous étions plus nombreux que ces chiens, et ça nous a rendus trop
confiants.
Soudain, trouant le silence qui avait suivi l’assaut des
archers, il entendit un rire menaçant et un martèlement de bottes. Un cri
retentit et sir William, qui était un vieux guerrier, sut que les troupes
anglaises descendaient dans le fossé pour achever les blessés.
— Prépare-toi à remonter en courant par l’arrière,
annonça-t-il à Robbie, on n’a pas le choix. Tu vas te protéger le cul avec ton
bouclier et tu vas courir comme un beau diable.
— On s’enfuit ? demanda le jeune homme, abasourdi.
Sir William soupira.
— Robbie, fieffé idiot, soit tu avances et tu meurs, et
moi, je dirai à ta mère que tu es mort en brave et en simple d’esprit, ou alors
tu remontes cette maudite colline avec moi et on essaie de gagner cette
bataille.
Robbie ne discuta pas, se contentant de jeter un regard vers
le piège où gisaient leurs hommes, le trou aux fougères recouvertes de flèches
empennées de blanc.
— Dites-moi quand je devrai me mettre à courir, dit-il
simplement.
Une douzaine d’archers et autant d’hommes d’armes anglais,
tous munis de couteaux, étaient occupés à trancher les gorges. Avant d’achever
les hommes d’armes, ils s’arrêtaient pour vérifier s’ils présentaient quelque
valeur marchande, mais peu d’entre eux étaient dans ce cas. La valeur des
hommes des tribus, quant à elle, était nulle. Ces derniers, haïs entre tous les
Écossais pour leur singularité, étaient considérés comme de la vermine.
Sir William leva la tête avec précaution et décida que
c’était le moment de battre en retraite. Mieux valait s’extraire de cette
satanée chausse-trape avant d’être capturé.
Sans prêter attention aux cris indignés des Anglais, il entreprit
de remonter la pente, suivi de Robbie. À sa grande surprise, aucune flèche ne
vint siffler à ses oreilles, alors qu’il s’était attendu à être aussitôt
entouré de projectiles. Il se retourna à mi-chemin et vit que les archers
anglais avaient disparu, ne laissant que des hommes d’armes sur ce flanc du
champ de bataille. À leur tête, l’observant de loin, se trouvait lord
Outhwaite, qui avait été autrefois son prisonnier. Outhwaite, qui était
estropié, s’appuyait sur une lance en guise de bâton. Il leva son arme pour lui
adresser un salut.
— Procurez-vous une armure correcte, Willie ! lui
lança sir William de loin. (Lord Outhwaite, de même que le chevalier de
Liddesdale, avait été baptisé William.) Nous n’en avons pas encore fini avec
vous !
— Je crains que non, sir William, en effet, répondit
lord Outhwaite en s’appuyant sur sa lance. J’espère que tout va bien pour
vous ?
— Ne dites point d’âneries ! Bien sûr que non,
qu’est-ce que vous croyez ? J’ai laissé la moitié de mes hommes là en bas.
— Mon cher ami, je compatis, dit Outhwaite avec une
grimace.
Puis il agita une main aimable, tandis que son ami-ennemi
écossais poussait Robbie vers le sommet et le salut.
Sir William, ayant rejoint le bord, examina la situation. Il
constata que les Écossais avaient été battus sur leur flanc droit, mais que
cette défaite était prévisible, car ils avaient chargé tout droit vers le fossé
où les archers n’avaient eu qu’à les cueillir. Ces archers avaient
mystérieusement disparu, mais il était probable qu’ils avaient été envoyés sur
le flanc gauche écossais, qui avait opéré une forte percée. C’était la
déduction qui s’imposait car la bannière bleu et jaune de lord Robert Stewart
était très loin devant celle, rouge et jaune, du roi. Ainsi la bataille se
déroulait-elle favorablement sur la gauche, mais elle tournait court au centre,
car le muret de pierre avait empêché l’avancée écossaise.
— On ne pourra rien faire ici, dit-il à Robbie. Alors
allons nous rendre utiles.
Il se retourna et leva son épée ensanglantée.
— Douglas ! hurla-t-il. Douglas !
Son porte-étendard avait disparu ; sans doute gisait-il
parmi les morts de la tranchée avec son
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