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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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persuadé que le
meurtrier était le valet. Il allait faire périr cet homme en lui faisant
endurer les mille tourments de l’enfer !
    L’après-midi était déjà bien avancé lorsqu’ils franchirent
la voûte de la porte est de Dorchester. Un garde, alarmé par leurs armes, leur
barra le chemin, mais recula en entendant Thomas répondre en français. Croyant
avoir affaire à un aristocrate, l’homme livra humblement le passage aux deux
cavaliers et les suivit des yeux tandis qu’ils remontaient East Street, en
passant devant l’église de Tous-les-Saints et la geôle du comté.
    Les maisons devinrent de plus en plus opulentes à mesure
qu’ils s’approchaient du centre de la ville et les demeures des marchands de
laine, près de l’église Saint-Pierre, eussent été parfaitement à leur place à
Londres. On sentait monter les effluves nauséabonds des maisons où les bouchers
exerçaient leur sanglant métier. À Cornhill, ils passèrent devant celle de
l’étameur bègue aux yeux globuleux, puis devant celle du forgeron auquel le
jeune archer avait acheté autrefois quelques pointes de flèches. Il connaissait
la plupart de ces bonnes gens. L’Homme-Chien, un mendiant cul-de-jatte qui
avait gagné ce surnom en lapant l’eau de la rivière Cerne comme un chien, se
traînait le long de South Street sur les blocs de bois attachés à ses mains.
Dick Adyn, le frère du geôlier de la ville, qui remontait la rue pentue avec
trois moutons, s’arrêta pour lancer une amicale insulte à Willie Palmer, en
train de fermer son échoppe de bas et de chausses. Un jeune prêtre se hâtait
dans une ruelle, un livre serré sur la poitrine, en détournant chastement les
yeux d’une femme accroupie dans le caniveau. Un souffle de vent apporta avec
lui des volutes de fumée de bois. Dorcas Galton, ses cheveux bruns remontés en
chignon, secoua un tapis par une fenêtre, à l’étage de sa maison, et rit à
gorge déployée à une remarque de Dick Adyn. Ils parlaient avec l’accent du cru,
doux, prononcé et bourdonnant comme celui de Thomas.
    Le jeune archer s’apprêta à brider son cheval pour échanger
quelques mots avec ses anciens voisins, mais Dick Adyn détourna prestement le
regard et Dorcas ferma sa fenêtre à grand bruit. Robbie était imposant, mais
l’aspect décharné et sombre de Thomas était encore plus effrayant, et nul ne reconnut
le fils bâtard du dernier curé de Hookton. Car la guerre l’avait changé. Elle
lui avait donné une dureté qui repoussait les étrangers. Il avait quitté le
Dorset jeune garçon et revenait comme l’un des tueurs très prisés d’Edouard
d’Angleterre.
    Lorsqu’ils quittèrent la ville par la porte sud, un
constable cria, enhardi par la protection que lui conféraient sa cotte de
mailles municipale et son antique lance.
    — Bon débarras et qu’on ne vous revoie plus !
Estimez-vous heureux de ne pas vous retrouver au cachot !
    Thomas arrêta son cheval, se retourna sur sa selle et se
contenta de regarder fixement l’homme qui, soudain, trouva une bonne raison
pour s’engouffrer dans la ruelle qui jouxtait la porte. Le jeune archer cracha
et se remit en route.
    — C’est chez toi, ici ? ironisa Robbie, caustique.
    — Pas en ce moment, répondit Thomas.
    Pour quelque curieuse raison, La Roche-Derrien surgit dans
son esprit et il revit Jeannette Chénier dans sa grande maison près de la
rivière Jaudy. Une fois de plus, au souvenir de ces amours anciennes, il se
sentit coupable envers Eléonore.
    — Où se trouve ta ville natale ? demanda-t-il à
Robbie, pour chasser les souvenirs.
    — J’ai grandi près de Langholm.
    — Où est-ce ?
    — Sur la rivière Esk, expliqua l’Écossais, pas loin de
la frontière du nord. C’est un pays dur, pour ça oui. Pas comme ici.
    — C’est un joli pays, ici, approuva Thomas d’un ton
doux.
    Il leva les yeux vers les hauts murs verts de Maiden Casde,
où venait jouer le diable la veille de la Toussaint, où criaient les corneilles
de leur voix éraillée. Les mûres étaient à point dans les haies et les renards
furetaient au bord des champs en cette heure où les ombres s’allongeaient.
Encore une ou deux lieues, et les ombres du soir s’épaissiraient pour se
transformer en nuit. À présent, il sentait l’odeur de la mer, et il crut
l’entendre lécher les galets des plages du Dorset. C’était l’heure des esprits,
l’heure où les âmes des morts venaient danser comme des feux follets

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