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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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à la
frange de la vision des hommes, et où les gens se hâtaient de rentrer au coin
du feu, sous leur toit de chaume, et de se claquemurer derrière leurs portes.
Au loin, un chien hurla dans un village.
    Thomas avait songé chevaucher jusqu’à Down Mapperley où sir
Giles Marriott, le seigneur de Hookton, entre autres villages, avait sa
résidence, mais il se faisait tard et il n’était pas sage d’arriver après la
nuit. De plus, il avait envie de voir Hookton avant de rencontrer sir Giles.
Aussi tourna-t-il bride.
    Il dirigea son cheval fatigué vers la mer et amena Robbie
jusqu’au pied de la masse indistincte et sombre de la colline de la Lipp.
    — C’est sur cette colline que j’ai tué mon premier
homme, apprit-il à Robbie avec un soupçon de vantardise.
    — Avec ton arc ?
    — Oui. Quatre hommes, avec quatre flèches.
    Ce n’était pas tout à fait vrai, car il lui avait fallu
tirer au moins sept ou huit flèches, peut-être même plus, mais il n’empêchait
qu’il avait mis hors d’état de nuire quatre des pillards qui avaient traversé
la Manche pour s’attaquer à Hookton.
    Et ce soir, tandis que le crépuscule assombrissait la
vallée, il retournait vers le lieu où son père vécut, prêcha et trépassa. Au
loin, il apercevait le va-et-vient des vagues qui venaient se briser sur la
plage frangée d’écume blanche.
    L’endroit était désert. Les pillards avaient anéanti le
village. Les maisons avaient brûlé, le toit de l’église s’était effondré et les
villageois étaient enterrés dans un cimetière étouffant sous les orties, les
ronces et les chardons. Il y avait quatre ans et demi que les hommes de
l’expédition conduite par son cousin, Guy Vexille, le comte d’Astarac, et par
le père d’Eléonore, messire Guillaume d’Evecque, avaient mouillé à Hookton.
Thomas avait tué quatre arquebusiers, et cela avait marqué le début de son
existence d’archer. Il avait abandonné ses études à Oxford et n’était jamais
retourné à Hookton depuis.
    — Voilà mon village, dit-il.
    — Qu’est-ce qui est arrivé ?
    — Les Français ! répliqua Thomas avec un geste
vers les flots sombres de la mer. Ils sont arrivés de Normandie.
    — Doux Jésus !
    Robbie était surpris. Il savait que les régions frontalières
de l’Angleterre et de l’Écosse étaient des endroits où l’on faisait brûler les
bâtiments, volait le bétail, forçait les femmes et trucidait les hommes, mais
jamais il n’eût pensé que cela pouvait se passer si bas au sud.
    Se glissant à bas de son cheval, il s’avança jusqu’à un
fouillis d’orties qui marquait l’emplacement d’un ancien cottage.
    — Il y avait un village ici ?
    — Oui, un village de pêcheurs, répondit Thomas.
    Il entreprit de parcourir ce qui avait été autrefois la rue
où l’on raccommodait les filets, où les femmes fumaient le poisson. La maison
de son père n’était plus qu’un amas de bois calciné envahi de liserons. Les
autres maisons avaient été pareillement réduites en cendres. Seule l’église, à
l’ouest du ruisseau, était encore reconnaissable à ses murs sombres, ouverts
sur le ciel.
    Les deux jeunes gens attachèrent leurs chevaux à des
noisetiers qui poussaient dans le cimetière, puis déposèrent leurs bagages dans
l’église en ruine. Il était déjà trop tard pour commencer à chercher, mais
Thomas ne songeait pas à dormir.
    Il descendit sur la plage et se remémora ce matin de Pâques
où les bateaux des Normands étaient venus accoster sur les galets aux premières
lueurs de l’aube, lâchant leur cargaison d’hommes hurlants, armés d’épées et
d’arbalètes, de haches et de brandons. Ils étaient venus pour trouver le Graal.
Guy Vexille, qui le croyait en possession de son oncle, avait livré le village
de Hookton au glaive. Il l’avait incendié, détruit, et était reparti sans le
Graal.
    Le ruisseau chantait sa petite chanson en creusant son
sillon tortueux dans la langue de galets du Hook, incurvée comme un crochet,
avant d’aller se perdre dans l’immensité de la mer. Thomas s’assit sur le Hook,
emmitouflé dans sa nouvelle cape, son grand arc noir posé à côté de lui. John
Pryke, le chapelain, avait parlé du Graal dans les même termes empreints de
crainte respectueuse que le père Hobbe lorsqu’il y faisait allusion. Le Graal,
selon le père Pryke, n’était pas simplement la coupe dans laquelle le Christ
avait bu le vin lors de la

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