L'archer du Roi
qu’Astarac était un
fief ou un comté du sud de la France et que c’était le berceau de cette famille
Vexille qui avait ensuite été déclarée rebelle et hérétique. Il avait également
appris qu’Astarac se trouvait près du pays cathare, assez près pour permettre à
la contagion d’atteindre les Vexille et que, une centaine d’années auparavant,
le roi de France et la vraie Église avaient brûlé les hérétiques et forcé les
Vexille à la faite. Et maintenant, voilà que le légendaire messire Perceval
semblait être un Vexille ? Plus Thomas pénétrait le mystère, plus les
choses paraissaient embrouillées.
— Mon père vous a-t-il jamais parlé d’Astarac,
Messire ? demanda-t-il à sir Giles.
— Astarac ? Qu’est-ce que c’est ?
— C’est de là que venait sa famille.
— Non, non, il a grandi dans le Cheshire. C’est ce
qu’il m’a toujours dit.
Mais le Cheshire était surtout un refuge, un endroit où se
cacher de l’Inquisition. Était-ce là que le Graal était dissimulé, à
présent ?
Le jeune archer tourna une page pour retrouver un long
passage décrivant une scène dans laquelle une colonne d’envahisseurs qui avait
tenté d’attaquer le donjon d’Astarac avait été repoussée à la vue du Graal.
« Ils furent éblouis, écrivait le père Ralph, aussi trois cent
soixante-quatre d’entre eux furent-ils exterminés. »
Une autre page affirmait qu’il était impossible à quiconque
de proférer un mensonge en ayant la main posée sur le Graal, « sous peine
d’être frappé de mort ». Une femme stérile, en caressant le Graal, se
voyait accorder le bonheur de l’enfantement, et un homme qui buvait dedans le
jour du vendredi saint se voyait octroyer la grâce d’apercevoir brièvement
« celle qu’il prendrait pour femme au paradis ». Un conte relatait
l’histoire d’un chevalier qui, portant le Graal pendant la traversée d’un
désert, fut poursuivi par des païens ; mais, alors que tout semblait perdu
pour lui, Dieu envoya un immense aigle qui l’attrapa en même temps que son
cheval et le précieux Graal et l’emporta dans le ciel, laissant les guerriers
païens hurler de rage impuissante.
Une phrase avait été copiée et recopiée dans les pages du
livre : Transfer calicem istem a me. Thomas sentait la détresse et
la colère de son père à travers les mots de cette phrase qui revenait sans
cesse : « Éloigne de moi cette coupe. » Tels étaient les mots
que le Christ avait prononcés dans le jardin de Gethsémani quand il avait
demandé à son Père de lui épargner son supplice. La phrase était parfois écrite
en grec, une langue que Thomas avait apprise mais jamais totalement maîtrisée.
S’il parvint néanmoins à déchiffrer la majeure partie du texte en grec,
l’hébreu resta un mystère pour lui.
Sir John, l’ancien vicaire de Saint-Pierre, s’accorda pour
dire que c’était un étrange hébreu.
— J’ai oublié l’hébreu que j’ai appris, mais je ne me
souviens point d’avoir jamais vu une lettre telle que celle-ci, dit-il à Thomas
en désignant le symbole qui ressemblait à un œil humain. Très curieux, Thomas,
très curieux. C’est de l’hébreu sans en être tout à fait.
Il se tut un instant, puis ajouta d’une voix
plaintive :
— Si seulement ce pauvre Nathan était toujours parmi
nous.
— Nathan ?
— C’était avant ton époque, Thomas. Nathan ramassait
les sangsues et les envoyait à Londres. Les médecins de là-bas appréciaient les
sangsues du Dorset, le savais-tu ? Mais, naturellement, Nathan étant juif,
il est parti avec les autres.
Les juifs avaient été chassés d’Angleterre presque cinquante
ans auparavant, un événement toujours vivant dans la mémoire du prêtre.
— Nul n’a jamais découvert où il trouvait ses sangsues,
poursuivit ce dernier, et parfois je me demande s’il ne leur a pas jeté un
sort. (Il fronça les sourcils.) Ceci appartenait à ton père ?
— Oui.
— Pauvre père Ralph, soupira le prêtre, laissant
entendre par là que le livre devait être le produit de sa folie.
Il referma le volume en repliant avec soin la couverture de
cuir souple sur les pages.
Taillebourg semblait s’être évanoui dans la nature, et
Thomas n’avait reçu aucune nouvelle de ses amis de Normandie.
Il écrivit une difficile missive à messire Guillaume dans
laquelle il lui annonçait la mort de sa fille et lui demandait des nouvelles de
Will Skeat qu’il
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