L'archer du Roi
présence de ce prêtre au sein de l’ambassade française
éveillait sa curiosité, et le fait qu’il fût resté après le départ des autres
ne faisait qu’épaissir le mystère. Or un homme d’armes bavard, l’un des
Français qui avaient apporté le cadeau de deux cents armures offert aux Écossais,
lui avait révélé que le prêtre était à la poursuite d’un grand trésor. Si ce
trésor se trouvait à Durham, eh bien, il voulait le savoir ! Il voulait sa
part !
— J’ai déjà tué des prêtres, ajouta-t-il, et un autre
prêtre m’a vendu une indulgence pour réparer ma faute, donc je ne crains ni
vous, ni votre Église. Il n’y a pas de péché dont on ne puisse payer le rachat,
aucun pardon qui ne puisse être acheté.
Le dominicain haussa les épaules. Deux hommes de sir William
s’étaient postés derrière lui en brandissant leur épée, et il comprit que ces
Écossais n’étaient pas à un meurtre près. C’est sans état d’âme qu’ils les
tueraient, lui et son valet. Ces hommes qui suivaient le cœur rouge de Douglas
n’étaient que des brutes nées pour se battre, aussi sûrement que des chiens de
chasse étaient nés pour chasser. Il était inutile de menacer leur âme, car ils
étaient à des lieues de cette sorte de préoccupation.
— Je vais à Durham pour retrouver un homme, dit-il.
— Quel homme ? insista sir William sans relâcher
la pression de son épée sur sa nuque.
— C’est un moine, expliqua le saint homme avec
patience, et il est vieux maintenant, si vieux qu’il peut ne plus être de ce
monde. C’est un Français, un bénédictin qui a fui Paris il y a très longtemps.
— Pourquoi a-t-il fui ?
— Parce que le roi voulait sa tête.
— La tête d’un moine ? releva sir William,
sceptique.
— Ce n’était pas un simple bénédictin. Il a appartenu
autrefois à l’ordre des Templiers.
— Ah !
Sir William commençait à comprendre.
— Et il sait où est caché un grand trésor, poursuivit
Taillebourg.
— Le trésor des Templiers ?
— Oui. On dit qu’il est caché à Paris, caché depuis
toutes ces années, mais ce n’est que l’an dernier que nous avons découvert que
ce moine français était toujours vivant en Angleterre. Vous comprenez, ce
bénédictin était autrefois le sacristain des Templiers. Vous savez ce que
c’est ?
— Pour qui me prenez-vous ? Gardez votre morgue
pour vous, mon père, répliqua sir William d’un ton froid.
Taillebourg inclina la tête pour montrer qu’il reconnaissait
la justesse du reproche.
— Si quelqu’un sait où se trouve le trésor des
Templiers, c’est bien celui qui s’occupait de leurs objets sacrés,
poursuivit-il d’un ton humble. Et à notre connaissance, cet homme vit
maintenant à Durham.
Sir William retira son épée. Tout ce que venait de dire le
prêtre se tenait. Les chevaliers du Temple, un ordre de moines soldats qui
avaient fait serment de protéger la route des pèlerins entre la chrétienté et
Jérusalem, étaient devenus riches au-delà des rêves les plus fous de tous les
rois. C’était une grave erreur, car cela avait excité la jalousie des rois, et
les rois jaloux faisaient de méchants ennemis. Le roi de France, qui comptait
justement parmi ces ennemis, avait ordonné la destruction de l’ordre du Temple.
À cette fin, on avait fabriqué une accusation d’hérésie, les hommes de loi
avaient travesti sans peine la vérité et les Templiers avaient été dissous.
Leurs maîtres avaient été brûlés et leurs terres confisquées, mais leur trésor,
le fabuleux trésor des Templiers, n’avait jamais été découvert. Le sacristain
de l’Ordre, responsable de sa sauvegarde, savait sûrement où il se trouvait.
— Quand les Templiers ont-ils été dissous ?
s’enquit sir William.
— Il y a vingt-neuf ans, répondit le prêtre.
Donc, le sacristain était peut-être toujours vivant. Vieux,
mais vivant. Sir William rengaina son épée, tout à fait convaincu par
l’histoire du dominicain.
Et pourtant, rien de tout cela n’était vrai, en dehors du fait
que la ville de Durham recelait en ses murs un vieux moine. Or, celui-ci
n’était pas français et n’avait jamais été templier et, suivant toute
probabilité, il n’avait jamais entendu parler d’un quelconque trésor. Mais
Bernard de Taillebourg avait parlé d’un ton convaincant, et l’histoire de cet
or perdu s’était répandue dans l’Europe entière ; c’était un
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