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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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l'Europe. Ces groupes
avaient en commun un certain nombre de dogmes. Ils s'opposaient résolument à
toute idée de prédestination, croyaient au libre arbitre et considéraient le
baptême des nouveau-nés comme une mascarade. A leurs yeux, seul un adulte en
pleine possession de ses moyens pouvait accepter d'entrer dans l'Église du
    Christ. Ils refusaient donc de baptiser leurs propres
enfants et rebaptisaient leurs convertis 42 .
    Pour les catholiques comme pour les calvinistes, ces idées
étaient des hérésies mais, en 1520, on avait une autre bonne raison de craindre
les anabaptistes : tous sans exception attendaient la seconde venue du Christ,
qui devait se produire dans les quelques mois ou années à venir - et en tout
cas de leur vivant. Et ils pensaient avoir été choisis pour prêter main-forte à
ce Messie vengeur, lorsqu'il viendrait prendre possession de son royaume
d'ici-bas, déclenchant les catastrophes sanglantes qu'annonçait le livre des
Révélations. Pour les anabaptistes, ces versets n'avaient rien d'allégorique,
et la description qu'ils donnaient des événements à venir devait être prise
dans son sens le plus littéral. La Seconde Venue commencerait par la
construction de la nouvelle Jérusalem, et s'achèverait en une apocalypse où
seraient engloutis tous les ennemis de la foi nouvelle.
    Durant les premières années du mouvement anabaptiste, le
retour du Christ fut annoncé entre 1526 et 1538. La localisation de la nouvelle
Jérusalem prêtait à controverse : certains la situaient à Strasbourg, et
d'autres à Ertfurt, voire à Amsterdam. Jan Matthijs, le plus grand prophète
anabaptiste en qui beaucoup voyaient l'un des deux « témoins » chargés
d'annoncer la Seconde Venue, désigna Munster et, au printemps 1534, ses adeptes
affluèrent dans cette ville et s'y installèrent en si grand nombre qu'ils
parvinrent à prendre le contrôle du conseil local. En l'espace de quelques
semaines, les anabaptistes expulsèrent tous leurs opposants de
    Munster et se préparèrent à soutenir un siège qui,
pensaient-ils, déclencherait une chaîne d'événements menant inexorablement à la
fin du monde.
    Il s'ensuivit l'une des pires tragédies du xvi e siècle.
Durant seize mois, Matthijs et plusieurs milliers de ses fidèles tinrent tête
aux armées de mercenaires levées contre eux par l'évêque de Munster, jusqu'à ce
que les soldats de l'évêque parvinssent à entrer dans la ville par la ruse. Là,
ils exécutèrent tous les anabaptistes en âge de porter les armes, ainsi que des
centaines de femmes et d'enfants 43 . Trois des principaux leaders
anabaptistes furent écorchés vifs et leur chair fut arrachée avec des pinces,
après quoi on les acheva en leur perçant le cœur d'une dague chauffée au rouge.
Leurs dépouilles furent exposées dans de grandes cages de fer qui sont toujours
suspendues aux tours de la cathédrale.
    Avant le siège de Munster et la prise manquée d'Amsterdam,
la plupart des cités hollandaises avaient toléré la présence des anabaptistes
dans leurs murs, mais par la suite les sectes furent férocement persécutées.
Les anabaptistes s'étaient révélés de dangereux révolutionnaires ne craignant
pas de s'opposer activement aux autorités laïques et déniant toute allégeance
aux pouvoirs terrestres, qu'ils soient féodaux ou fédéraux 44 . A
Munster, ils avaient renversé les valeurs et l'ordre établis au point de mettre
toutes leurs possessions en commun, et de partager les vivres et les biens
entre tous, en fonction des besoins de chacun. Vers la fin du siège, comme les
femmes se trouvaient nettement majoritaires, les chefs avaient même institué un
système de polygamie. Les sectes anabaptistes attiraient donc les élé-ments les
plus radicaux - des hommes violents et dépossédés, n'hésitant pas à user de la
force pour atteindre leurs objectifs. Elles constituaient une menace pour
l'État.
    La chute du «royaume» de Munster, en 1535, eut des
conséquences catastrophiques pour tout le mouvement. La plupart de ses leaders
les plus radicaux furent exécutés ou bannis. Les survivants durent entrer dans
la clandestinité, et l'on vit apparaître à leur place des groupes plus modérés,
prêts à coexister avec les autres courants protestants, voire catholiques. Ces
anabaptistes non violents étaient apparus dès les premiers jours du mouvement,
et y avaient cohabité avec les tendances les plus révolutionnaires. A ce
moment, sous la

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