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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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victoire, je pourrais vivre plus longtemps auprès de l’homme que j’aimais. En cas de défaite, il n’y aurait pas de limites aux malheurs et aux souffrances que j’endurerais. Sa voix interrompit le cours de mes pensées.
    « Oh ! par les dieux ! »
    Il regardait vers le sud. Le soleil brillait au milieu du ciel, au-dessus de nos têtes.
    Un nuage de poussière blanchâtre voilait l’horizon sur une énorme distance.
    « C’est une tempête de sable, dis-je.
    — Non. Ce sont eux.
    — Ce n’est pas possible, le nuage est trop étendu.
    — Ce sont eux, te dis-je. Regarde. »
    On distinguait du noir à l’intérieur de ce nuage puis, au fur et à mesure que la distance se réduisait, l’éclat des armes, les pointes des lances, les boucliers.
    Des éclairs, une tempête.
    « Voilà pourquoi nous n’avons rencontré aucune résistance ni aux Portes de Cilicie, ni aux Portes de Syrie, ni sur l’Euphrate, à Thapsaque…, déclara Xéno sans détourner les yeux de l’ouragan de poussière et de fer qui s’approchait en grondant, tel le vent à Beth Qadà. Artaxerxès voulait attirer son frère à cet endroit où il avait rassemblé toutes les forces de l’armée, dans cette étendue immense privée d’abri, privée de défense, pour le broyer impitoyablement.
    — C’est donc la fin », en conclus-je, baissant la tête pour dissimuler mes larmes.
    Des sonneries de trompette retentirent, Cyrus passa à toute allure sur son cheval arabe, criant des ordres dans trois ou quatre langues différentes. Ariée fit sonner les cors. Cléarque hurla d’une voix incroyablement puissante : « Hommes, dans les rangs ! En ligne ! » Puis il gagna à cheval le milieu de la plaine.
    Tels les membres d’un unique corps, les guerriers coururent s’aligner sur le front. Les divisions s’ajoutaient les unes aux autres, la ligne s’étirait de plus en plus, s’appuyant sur la rive gauche de l’Euphrate.
    En face, l’armée ennemie comportait des guerriers issus de cent nations : Égyptiens, Arabes, Ciliciens, Cappadociens, Mèdes, Cardouques, Colques, Chalybes, Parthes, Sogdiens, Bithyniens, Phrygiens, Mosques…
    On pouvait distinguer leurs armures, la couleur de leurs tuniques, la forme de leurs armes, entendre leurs cris, atténués par le piétinement de centaines de milliers d’hommes et de dizaines de milliers de chevaux. Et, en arrière-fond, un cliquètement profond et continu, qui accompagnait et exaltait les autres sons : il venait des côtés où le nuage de poussière était le plus dense.
    « Des chars ! s’écria Xéno.
    — Des chars à faux… », précisa une voix.
    Sophos.
    Il surgissait toujours du néant. Xéno, qui s’apprêtait à bondir sur Halys, se retourna.
    « … Ils ont des faux aiguisées qui partent des essieux et d’autres sous la caisse. Inutile de se jeter sous le timon pour passer sous le char. Ces lames-là découpent en deux tout ce qu’elles rencontrent. Un système ingénieux et efficace. »
    Je fus horrifiée.
    Sophos était armé. Il tenait son casque sous le bras gauche. Son bouclier était pendu au harnachement de son cheval. Il poussa l’animal et se dirigea vers Cléarque.
    Xéno me saisit la main. « Ne bouge pas d’ici, reste à bord du chariot. On emmène les véhicules au centre du campement avec les bagages pour les protéger. Je dois me présenter à Cléarque. Fais ce que je t’ai dit et nous nous reverrons ce soir. Sinon, tu mourras. Adieu. »
    Je n’eus pas le temps de répondre. Du reste, j’étais si émue et si inquiète que je n’aurais pas réussi à articuler le moindre son. Xéno était trop loin pour m’entendre quand je parvins à crier : « Reviens ! Reviens-moi ! » Le conducteur du chariot fouetta les mulets et les conduisit à l’endroit où l’on rassemblait les bagages : une colline qui dominait la plaine et le théâtre de l’affrontement. C’était un point de vue privilégié, qui me permit par la suite de relater à Xéno les détails du terrible massacre.
    Désormais, tous les régiments étaient en mouvement : les Asiatiques couvraient les trois quarts de notre alignement à partir de la gauche. Cyrus se tenait au centre, splendidement armé et vêtu, entouré de ses troupes choisies, archers et cavaliers, enfermés dans leurs cuirasses d’or et d’argent, des hommes à l’aspect magnifique, aussi rapides que l’éclair. Chacun était pourvu d’une lance ornée d’un étendard vert.

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