Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'assassin de Sherwood

L'assassin de Sherwood

Titel: L'assassin de Sherwood Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
guigne de la mort omniprésente. Le bruit était assourdissant. Des tas d’immondices, amoncelés entre les étals ou obstruant les larges rigoles entre les pavés, exhalaient leur puanteur sous la canicule. L’odeur était si suffocante que tous se bouchaient le nez en passant. Des apprentis s’égosillaient : «Drap de Lincoln ! », « OEufs frais ! »... Quelques curieux entouraient deux poissonnières qui roulaient dans la poussière en se tirant les cheveux et en s’arrachant les vêtements, comme de vrais piliers de taverne. L’altercation cessa instantanément à l’apparition de deux dizainiers qui conduisaient une charrette, à laquelle était lié un boulanger. Le malheureux trébuchait dans ses chausses rabattues sur ses chevilles et un garde couvert de sueur frappait de verges son ample postérieur. Un écriteau, brandi à contrecoeur par ses apprentis, annonçait en lettres rouges hâtivement tracées qu’il avait farci ses tourtes de chair de rat. On procéda à l’application d’autres peines : deux mégères, bridées de fer, furent emmenées vers les eaux sales de la rivière pour y subir une sorte d’estrapade.
    À un moment donné, le brouhaha des marchandages s’atténua : les badauds s’étaient agglutinés autour du pilori pour voir essoriller cruellement deux truands qui hurlèrent sans discontinuer. À leur côté, un tanneur qui avait versé du pissat de cheval dans la bière de son rival fut condamné à rester assis au pilori, cul nu.
    — Pourquoi regarder tout cela ? murmura Ranulf.
    — Quand il y a des châtiments, la racaille sort de son trou, proféra Corbett à mi-voix.
    Il ne se trompait pas : on vit apparaître la lie de Nottingham, les larrons, coupe-bourses, tire-laine, cambrioleurs, tueurs et filles de joie aux perruques tarabiscotées et aux museaux emplâtrés de fards. Ce beau monde ne perdait pas une miette du spectacle tout en guettant le chaland sans méfiance. La bouche molle, pris de boisson, les serviteurs d’un riche marchand, vêtus de livrées maculées, se frayèrent brutalement un passage dans la cohue en braillant des refrains. Un vendeur d’indulgences criait à tue-tête qu’il possédait une des pierres ayant servi à lapider saint Étienne, tandis qu’un harpiste bossu sortait des parchemins de son surcot en proclamant qu’il avait des chansons à vendre.
    — Les truands se rassemblent ! avertit Ranulf.
    — Essaie de repérer ceux qui portent des protège-poignets ou qui semblent avoir un oeil d’aigle.
    — Vous croyez que les brigands de Sherwood oseraient s’aventurer jusqu’ici ?
    — C’est possible. Rappelle-toi l’attaque contre le château.
    Ranulf se targuait de pouvoir reconnaître un voleur même dans une rue bondée ; aussi observa-t-il attentivement la populace, mais personne ne répondait à la description de Corbett. Dès que les châtiments eurent pris fin, la foule se dispersa et revint aux étalages. Mais soudain s’éleva, derrière eux, une voix haute et claire :
    — Je vous lance un défi à tous ! Moi, Rahere de Lincoln, maître devin et gardien des secrets au nord et au sud de la Trent, moi qui peux percer le plus profond des mystères, je vous lance un défi !
    Corbett et Ranulf se retournèrent. Un jeune homme, portant une longue tunique fauve doublée de peau de rat sur une chemise rouge sang et des chausses vertes, s’était juché sur une barrique et jetait son défi à la cantonade. Sa chevelure blond-roux encadrait un visage ouvert au regard impertinent et au nez pointu. Sa voix portait loin, comme celle d’un prédicateur, et il répéta son défi en faisant tourner une pièce d’argent entre ses doigts. Cela amusa Ranulf. Il connaissait ce genre de saltimbanques : des artistes ambulants capables de résoudre n’importe quelle devinette et d’en poser d’autres qui forçaient les plus grands érudits à se triturer l’esprit ad vitam aeternam.
    Puis Ranulf remarqua une jeune femme près de la barrique. Sa robe brune s’ornait de fine laine blanche au col et aux poignets. Son capuchon dissimulait son visage, mais lorsqu’elle se découvrit tout à coup, Ranulf sentit son coeur bondir dans sa poitrine. Il en oublia sur-le-champ son chagrin d’amour pour Lady Mary Neville, tellement la dame était d’une beauté à couper le souffle. Elle avait un visage ovale à la transparence d’ivoire, un nez parfait au-dessus de lèvres charnues, une chevelure châtaine enserrée

Weitere Kostenlose Bücher