L'assassin de Sherwood
forteresse sur le pied de guerre ! Messire Roteboeuf, j’en suis sûr, va s’occuper du ravitaillement tandis que Naylor encadrera les hommes. Quant à vous, frère Thomas, je sais que vous êtes proche du petit peuple : je compte sur vous pour trouver ceux qui connaissent la moindre sente, le moindre layon de la forêt de Sherwood et ses chemins secrets.
Corbett se leva :
— Nous allons faire une dernière tentative, et si elle échoue, Sir Peter, je rentrerai à Londres informer notre souverain que vous et moi avons agi au mieux et que l’affaire, à présent, repose entre ses mains.
Branwood bondit sur ses pieds :
— Je me rallie entièrement à vos décisions, Sir Hugh ! Mais, au fait, l’assassinat de Sir Eustace ?
Corbett se mordilla les lèvres :
— Je crois savoir comment il est mort. On a réussi à verser du poison dans son gobelet.
Le clerc jeta un coup d’oeil à la ronde :
— Où est Maigret, le médecin ?
— En ville, pour une course, sans doute.
Corbett parut se satisfaire de cette explication :
— Sir Peter, ce sera tout. Chacun de nous sait ce qu’il doit faire. Ranulf et Maltote sont partis porter des messages à Lincoln. Normalement, le comte devrait arriver ici dans les trois jours.
Branwood et ses compagnons prirent congé de Corbett qui les regarda s’éloigner avant de refermer la porte à clé en poussant un soupir de soulagement. Puis le clerc s’étendit sur le lit pour rattraper le sommeil perdu.
Il se réveilla dans l’après-midi et effectua un petit tour de la forteresse. Branwood menait ses préparatifs tambour battant : écuries, forges, armurerie étaient en pleine effervescence. On pansait les chevaux, on réparait les selles et on transportait les vivres des caves aux bâtiments de la haute-cour. Corbett déambula nonchalamment, un sourire aux lèvres, avant de se glisser par la poterne et de dévaler l’escalier de Brewhouse pour arriver dans les rues nauséabondes et torrides de Nottingham. Il flâna un moment parmi les étals jusqu’à ce qu’il fût sûr de n’être pas observé. Il s’enfonça alors dans un passage, traversa une rue et sonna la cloche du couvent des franciscains.
L’accueil du prieur ne fut guère cordial.
— Les vils tracas du monde ne doivent pas franchir ces murs, déclara-t-il, acerbe.
— Mais, mon père, ce couvent est au centre de mon monde, rétorqua Corbett. Il me faut voir frère William. Je vous le demande en toute courtoisie, mais n’hésiterai pas à user de mon autorité si vous vous y opposez.
Le père prieur s’inclina de mauvaise grâce. Il le conduisit à la cellule de l’ancien hors-la-loi, de l’autre côté du cloître. Frère William reçut le clerc plutôt fraîchement, lui aussi.
— Vous partez pour Londres, Sir Hugh ? Vous êtes venu me dire au revoir ?
La méfiance brillait dans ses yeux et Corbett comprit qu’il se contentait d’entretenir la conversation en attendant que le supérieur se fût éloigné.
— Je ne regagnerai Londres qu’après avoir mis la main sur ce brigand de Robin des Bois, déclara Corbett. Et vous, mon frère, allez m’y aider.
Le franciscain s’assit sur un tabouret.
— Je suis homme de Dieu. Les tracas de ce bas monde ne me concernent pas.
— C’est la seconde fois que j’entends cette remarque, répliqua Corbett. Pourtant Dieu sait que votre concours pourrait m’être fort précieux.
Il dégaina son épée.
Frère William écarquilla les yeux de peur :
— Qu’est-ce que cela signifie ? haleta-t-il.
— Notre passé ne nous laisse jamais en paix, répondit Corbett d’une voix calme, en reculant vers la porte sur la pointe des pieds. C’est au moment où nous le croyons enfoui dans l’ombre qu’il resurgit pour mieux nous faire trébucher. Je ne vous cherche pas noise, mon frère, comme...
Il ouvrit l’huis d’un coup sec et coinça la pointe de son épée sous le menton du jardinier à la carrure imposante qui se tenait là. Corbett ricana :
— Pourquoi écouter aux portes, Jean Petit ? Ou devrais-je dire Petit Jean ?
Le colosse, ses cheveux gris tombant sur les épaules, s’était figé, les mains pendant le long du corps, ses énormes poings serrés sous l’effet de la frustration. L’épée du clerc n’avait point faibli, mais reposait à présent sur la gorge nue du gaillard. Corbett entendit frère William s’agiter derrière lui.
— Pas de gestes inconsidérés, mon frère !
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