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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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Judas sentait parfois son regard le parcourir. Ce fut le Grec qui lui
adressa la parole en premier à l’entrée du vestiaire des hommes.
    « Veux-tu goûter de cela ? »
lui demanda-t-il.
    Judas tendit la main.
    « Qu’est-ce que c’est ?
    — Du pain d’Alep. Un mélange de plantes
macérées dans de l’huile d’olive et de l’essence de laurier avant de cuire
longuement dans un plat de terre et de sécher neuf mois au soleil.
    — Sacrée recette. Et cela sert à quoi ?
    — À rendre belles toutes les matrones
romaines. Mais cela ne leur est pas forcément réservé. »
    Judas rit. Il passa sur ses mains le petit
cube noir, qui dégagea une mousse légère parfumé au mûrier.
    « Je m’appelle Archépios. Je viens d’Athènes. »
    Il écorchait les subtils accents de l’araméen
au point parfois de faire prendre un mot pour un autre. Mais sa voix était
mélodieuse, et son sourire sincère.
    « Entre avec moi, si tu veux… »
    Judas, très vite, se fit à sa façon de parler.
    « Depuis quand as-tu quitté Athènes ?
    — C’était il y a longtemps. Mais j’y suis
né.
    — Comment est-ce ? Très différent de
notre Jérusalem, non ?
    — Pas tant que cela. On y vit aussi bien,
et on y pense aux mêmes choses.
    — Lesquelles ?
    — L’amour, la guerre, et Dieu. »
    Ils parlèrent des trois. Beaucoup de l’amour, malgré
la méfiance instinctive de Judas envers les mœurs grecques, un peu de la guerre,
malgré la peur qu’il avait de trop se livrer, et encore plus de Dieu que des
deux autres. Le sujet semblait passionner Archépios qui prit d’emblée plaisir à
titiller Judas. Ce dernier, agressif, affirma sa foi en un dieu unique, accompagnateur
de son peuple depuis la nuit des temps.
    « Je trouve ta fidélité admirable, lui
répondit le Grec. Votre Yahvé vous envoie depuis des siècles tous les malheurs
possibles, et vous lui réservez encore le meilleur accueil. Que mes amis n’ont-ils
cette constance ?
    — S’ils l’avaient eue, peut-être que les
dieux grecs n’auraient pas été dévorés par les Romains. Il paraît même que certaines
de vos divinités ont deux noms, l’un en grec, l’autre en romain… »
    Ils étaient passés dans la grande salle, et s’assirent
sur un des bancs où suaient plusieurs jeunes hommes.
    « Toutes les religions ont la sagesse de
regretter un passé. Vous, les Juifs, vous voulez construire un avenir. Alors
que l’Olympe est derrière nous, vous voyez votre royaume devant vous. Vous
espérez que l’histoire puisse être une flèche tirée vers le bien alors que tout
prouve qu’elle n’est qu’une boucle amenée à se refermer. Cela dit, cette
espérance enfantine est l’une des choses que je trouve les plus sympathiques
chez vous.
    — Te semble-t-il que nous avons besoin de
votre sympathie ?
    — Au moins de notre exemple. Qu’attends-tu
donc ? Le retour de ton dieu ? Et pour quand ?
    — Pour quand il le décidera. Mon devoir
consiste à l’attendre et à lui favoriser ce retour.
    — Et que fera-t-il de ce retour ?
    — Ce qu’il veut. Il a élu notre peuple et
le mènera à ses côtés jusqu’au bout.
    — Ainsi ce dieu que tu vénères décide de
votre destin comme il l’entend, et vous n’avez plus qu’à subir. Où est cette
liberté que tu voudrais tant récupérer ?
    — Comment juger du dessein de Dieu ?
    — Sans doute pas en faisant sans
réfléchir tout ce que Ses soi-disant représentants t’imposent.
    — Que veux-tu dire ?
    — Qu’est-ce qu’une croyance ? On m’a
appris que l’univers était éternel, évoluant selon des phénomènes qui
reviennent régulièrement, et que les dieux sont un groupe de personnes plus ou
moins attachantes dirigées par un chef que personne n’est capable de définir. C’est
une vision du monde simple, qui nous laisse un minimum de choix. Vous passez
votre temps plongés dans la Septante, qui clame l’idée d’un dieu unique, qui a
tout créé et a fait de vous le peuple le plus malin du monde. Les Romains n’ont
pas tort de considérer votre religion comme asociale et misanthrope. Vous êtes
ennemis de tous les hommes, sauf des Juifs. Vous castrez vos enfants… »
    Judas protesta. Il était comme un jeune chien,
prêt à mordre, alors qu’Archépios s’exprimait toujours avec ironie et distance.
    « Je peux te le prouver sur l’heure. Tiens,
passe-moi donc ce savon. Vous choisissez selon des critères absurdes ce que
vous

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