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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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visiblement en désaccord.
    Je sentis que Jacques défaisait mes liens. Mes mains furent bientôt libres, et aussitôt des milliers d’aiguilles se mirent à me piquer cruellement la peau. Progressivement, mes doigts engourdis reprirent vie. Pendant que je frottais mes extrémités, il me retira la cagoule et, pour la première fois depuis des jours, j’inspirai de grandes goulées d’air frais en essuyant la sueur séchée sur mon visage et dans mes cheveux. La lumière des quelques torches me parut aussi vive qu’un éclair et je dus fermer à moitié les yeux, aveuglé.
    Il me fallut plusieurs secondes pour endurer la clarté. Aussitôt que j’en fus capable, je frappai. Non pas avec quelque espoir de me tirer de ce mauvais pas, mais pour donner libre cours à ma frustration et pour me venger de ce Payraud. Je lui assénai un coup de talon sur le côté du genou et, alors qu’il pliait la jambe malgré lui, je lui remontai mon coude en plein visage. Je sentis avec satisfaction quelques dents s’enfoncer sous la force du choc et un grognement monter dans sa gorge. Avant qu’il ait eu le temps de réagir, je lui avais tordu le bras derrière le dos et j’avais tiré sa dague de sa ceinture pour en appliquer la pointe sous son oreille droite.
    —    Tu vois, dis-je en souriant, il est facile de prendre un adversaire par surprise. Ne te gonfle pas trop la tête.
    Je jetai négligemment la dague sur le sol et le lâchai. Puis je me retournai vers Norbert.
    —    Tu voulais me parler, je crois ? demandai-je avec ironie, pendant que Payraud se relevait, le visage rouge de colère.
    L’homme se tenait à quelques coudées de moi et je le toisai en essayant de ne pas trahir les émotions qui se bousculaient en moi. De toute évidence, il s’agissait du mystérieux Norbert, qui avait commandé que l’on m’amène à lui comme si la chose allait de soi. Il ne semblait nullement impressionné par ma petite démonstration et me regardait calmement.
    Jamais de ma vie je n’avais vu un être aussi vieux. Il devait être presque centenaire et je me demandai comment son cœur pouvait encore battre après toutes ces années. Il avait dû être grand et mince, jadis, mais les ans avaient voûté son dos au point qu’il ne pouvait me regarder qu’en relevant la tête. Son visage n’était qu’un tissu de rides qui parcouraient une peau presque translucide et constellée des taches sombres de la vieillesse, à travers laquelle je pouvais apercevoir de grosses veines bleutées. Ses bajoues flasques et pendantes, couvertes d’une barbe blanche clairsemée, lui donnaient un air de chien battu. Il n’avait que la peau sur les os. Ce qui lui restait de cheveux virevoltait en touffes folles dans tous les sens et la lumière y prenait l’apparence d’une de ces auréoles que les peintres représentent parfois sur leurs tableaux des saints. Ses mains étaient aussi parcheminées que son visage et ses doigts avaient les jointures enflées.
    Si Norbert semblait aussi ancien que la création, je sus très vite que je ne devais en aucun cas me fier aux apparences et le prendre à la légère, car son regard, lui, était vif et alerte sous ses paupières tombantes. Les yeux sombres qui étaient posés sur moi avaient beau être voilés par le temps, ils me scrutaient attentivement et semblaient tout voir. Malgré son grand âge et sa respiration sifflante, il dégageait encore beaucoup de vitalité. Je ne pus m’empêcher de songer qu’il en allait souvent ainsi de ceux qui ont une importante mission à achever.
    Hormis son autorité évidente sur Jacques, le vieillard n’avait rien d’un chef. Il était vêtu d’un simple pourpoint bleu délavé et de braies grises usées jusqu’à la corde, comme le plus modeste des paysans. Ses bottes étaient dans le même état. Son seul luxe semblait être une chaînette en or passée à son cou, que je pouvais entrevoir dans l’échancrure de sa chemise. Il se tenait debout à côté d’une vaste table en bois massif. Le meuble était couvert de parchemins qui avaient été laissés là, pêle-mêle. Le fauteuil à haut dossier qui se trouvait en retrait me laissait croire qu’il y avait été assis jusqu’à mon arrivée. Il tenait une coupe d’or qu’il avait sans doute remplie avec le pichet du même métal qui était posé sur le coin de la table. Il la porta à sa bouche d’une main qui tremblotait et avala quelques gorgées. Un peu de vin coula dans la

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