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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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tissu sale.
    Je m'approchai et touchai les lambeaux durs comme du cuir.
    — Qu'est-ce donc ?
    — De la peau humaine.
    Je fis brusquement demi-tour. Le
visage du moine était caché tout au fond de son capuchon et la lumière ne permettait
de voir que son nez pointu et ses lèvres exsangues.
    — Je suis marri.
    Il s'approcha.
    — Je suis frère Stephen,
l'infirmier. Ça, c'est de la peau humaine, répéta-t-il en désignant la porte.
Celle de Richard de Puddlicott, pour être précis. Il a essayé de dérober le
trésor du roi gardé dans la crypte au-dessous, dit-il en montrant les dalles du
doigt. On l'a arrêté, conduit dans une brouette au gibet de Tothill Lane, pendu
et écorché.
    Il sourit.
    —  Sic transit gloria mundi  — Ainsi
passe la gloire du monde. Puis-je vous aider ?
    Je parlai de Rossaleti. Frère
Stephen acquiesça et nous emmena à l'infirmerie. La chapelle mortuaire était
mal éclairée et lugubre. L'infirmier, après avoir allumé autour de la table les
chandelles funéraires pourpres dans leur support de fer noir, repoussa le drap.
Bien qu'on eût déshabillé Rossaleti, fait sa toilette mortuaire et qu'on l'eût
ensuite oint, la dépouille — sa chevelure noire trempée et hirsute,
la peau mate devenue cireuse, les yeux entrouverts malgré les pièces de la
résurrection qu'on y avait posées — sentait encore la vase du fleuve.
Je priai pour son âme puis examinai le cadavre.
    — Il n'y a ni marque ni
contusion, déclara le moine dont la voix rocailleuse résonna. Rien du tout.
    — Trace de potion ou de
philtre ?
    — Que nenni. Rien, si ce
n'est les miasmes du fleuve et le léger parfum sucré du vin. Il semble avoir
pris une barge à Westminster.
    L'infirmier haussa les épaules.
    — C'est un accident.
    — J'essaie de retrouver le
batelier.
    Je pivotai sur mes talons. Casales
se tenait sur le pas de la porte. Il s'approcha.
    — Je suis allé à King's
Steps, dit-il en montrant le corps d'un signe de tête. Un pêcheur l'a trouvé
flottant dans la Tamise, dansant comme une plume noire à la surface. Il paraît
qu'il manque aussi un batelier.
    Casales écarquilla ses paupières
rougies.
    — Un accident, grommela-t-il,
Dieu seul le sait !
    — Mais il avait peur du
fleuve !
    — C'est vrai, soupira
Casales, mais pas assez pour que cela l'empêche de tenter d'embarquer sur cette
cogghe française par un jour de brouillard.
    Il se frotta les joues.
    — Rossaleti ne faisait pas
partie du Conseil secret, n'est-ce pas ?
    — En effet, et je sais à quoi
vous pensez, Mathilde, observa Casales qui me regarda en plissant les yeux, mais
je crois que c'était un accident.
    — La
reine — j'insistai sur le mot — voudra savoir ce qu'il
allait faire là-bas ; après tout, il détenait son sceau.
    Casales fit un simulacre de salut.
    — Madame, j'informerai Sa
Grâce dès que je l'aurai découvert moi-même.
    Il se retira. Demontaigu,
expliquant qu'il ne désirait pas qu'on le voie trop avec moi, le suivit. Je
regagnai sans me presser le palais en traversant les cours gelées. Je retournai
à la petite salle où, lors de ma venue à Westminster pour la première fois,
j'avais été assaillie par le souvenir de mon entrée chez Vitry. J'ouvris la
porte, pénétrai dans la pièce et, quelques instants, fis comme si je me
trouvais chez Vitry. J'étais l'assassin et portais une arbalète. Un valet me
précédait, un autre sortait de la chambre à ma droite, une servante descendait
l'escalier d'un pas léger. Aucun n'avait compris que le meurtre était proche.
Je fis mine de lâcher un carreau ; l'homme devant moi s'effondra. Celui de
droite regardait la scène : lui aussi fut occis. Mais la bachelette dans
l'escalier ? Elle avait sans doute tout entendu. Pourquoi ne
rebroussait-elle pas chemin et ne s'enfuyait-elle pas ? Je me remémorai
son cadavre gisant en bas des marches. L'assassin n'avait pas pu agir si vite.
Je fermai les yeux en comprenant la terrible erreur que j'avais commise.
J'avais négligé une règle qu'on m'avait répétée encore et encore : ne
jamais supprimer une cause, aucune cause ; les laisser se supprimer
d'elles-mêmes. Je fus si étonnée que je glissai le long du mur et m'accroupis,
les bras croisés, scrutant l'ombre.
    Je finis par retourner à l'abbaye.
Ma requête intrigua frère Léo, chargé de la bibliothèque et du scriptorium,
mais, quand il eut aperçu le sceau d'Isabelle, il s'empressa d'accepter. Il me
conduisit

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