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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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précisa qu'il s'était rendu à la Tour pour rassembler et empaqueter
certains documents. Sandewic, semblait-il, était rentré tôt de la cérémonie. Il
était clair qu'il se sentait mal et son état avait empiré dans la nuit.
Parvenus à la Tour noyée de brouillard, sans nous laisser ralentir par
escaliers, passages étroits et porches noirs comme la gueule d'un loup, nous
courûmes aux quartiers du gardien dans le donjon central. Une petite antichambre
donnait sur la salle où régnait le plus grand désordre. Les coffres étaient
ouverts, armes, manteaux, ceinturons et baudriers étaient éparpillés de-ci
de-là. Des braseros luisaient, mais leur fumée parfumée ne pouvait masquer
l'odeur nauséabonde d'une maladie mortelle. Des serviteurs s'affairaient. Un
moine du Carmel priait déjà au chevet du lit et le médecin de la Tour, un homme
au cheveu rare et au visage gris, ne pouvait que pincer les lèvres, hocher la
tête et agiter les mains.
    Sandewic reposait dans le grand
lit, la tête sur les oreillers. Il avait déjà l'apparence d'un mort. Je
remarquai que les babels que je lui avais offerts ces dernières semaines
occupaient la place d'honneur autour du petit crucifix posé sur la table à
droite de la couche. De l'autre côté, la table était couverte par les flacons
émaillés et les pots dont je me servais pour ses remèdes. Leur nombre me
surprit tout de suite. Sandewic me reconnut. Ses yeux fatigués brillaient
encore de rage comme s'il défiait la mort elle-même. Il parlait avec lenteur et
respirait avec peine, faisant état de grandes douleurs. Il lui semblait que sa
chair baignait dans l'eau glacée. Ses muscles faciaux semblaient se raidir et
il murmura qu'il ne sentait plus ses membres. D'après ses dires et ceux du
physicien, je compris que les symptômes — une brûlure cuisante de la
langue, de la gorge et du visage, suivie de nausées, de vomissements et d'une
étrange démangeaison de la peau — s'étaient déclarés peu après son
retour. Près du lit, il désigna un gobelet presque vide. Le fond du riche
bordeaux avait séché. Je le humai et détectai l'odeur acre d'une potion. Je me
précipitai de l'autre côté du lit et pris les diverses fioles dont la plupart
étaient vides. Tout en fouillant, une peur paralysante me glaça le sang :
il y avait beaucoup trop de flacons ! Le plus proche, dont la goutte de
cire qui le scellait avait été brisée, était à demi plein. Je le sentis, le
reposai, m'assis sur le bord de la couche, baissai la tête et pleurai en
silence, les épaules secouées de sanglots. Sandewic avait été empoisonné !
L'aconit est vénéneux, surtout ses racines et ses feuilles. J'en reconnaissais
l'odeur et les effets. J'avais traité des cas similaires à Paris où des paysans
avaient ingéré les racines tubéreuses de cette plante en croyant manger des
radis.
    Je sentis dans mon dos les doigts
de Sandewic. Je refis le tour de sa couche et l'interrogeai avec douceur. Je
pense qu'il savait avoir été empoisonné par fourberie. En murmures entrecoupés,
il me parla des fioles bouchées et scellées qu'on apportait dans son logis et
dont il avait toujours été convaincu que c'était de ma part. Il ignorait qui
les livrait. Il avoua, ironique et désabusé, qu'il avait même partagé
quelques-uns de ces médicaments avec Wotan, le vieil ours. Je ne pus qu'écouter
avec horreur Sandewic narrer comment, quand il était rentré la veille, il avait
reçu un nouveau sachet de cuir renfermant un flacon. Il en avait mélangé le
contenu avec son vin et s'était endormi. À son réveil, il avait grand-soif. Malgré
les ravages du poison qui s'insinuait dans son corps, ses yeux las me
souriaient.
    — Je suis vieux, Mathilde,
chuchota-t-il. Mon heure est venue.
    Il fit un geste :
    — Prenez ce gobelet comme
cadeau d'adieu ; c'était un présent du vieux roi. Il est en argent et en
étain avec un cavalier gravé sur le côté. Veillez à ce que justice soit faite.
Et priez pour moi dans ma chapelle. Il s'interrompit, suffoquant.
    — Fouillez mon Calice des
Esprits, Mathilde. Dites à mon seigneur * le roi de faire de même, de
réfléchir au passé et de ne point se fier aux autres princes. De grâce...
    Il se força derechef à sourire.
    — Je dois faire la paix avec
Dieu et les hommes.
    Je l'embrassai avec tendresse sur le
front et le laissai avec le carme. Fuyant cette chambre, j'allai m'asseoir au
pied d'un pilier de St Peter ad Vincula. Je me

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