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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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littera plenæ
potestatis , me glissa-t-il à l'oreille. Une lettre vous donnant les pleins
pouvoirs. Mathilde, ce que vous faites pour le bien du roi a force de loi.
Apportez-moi la preuve définitive. Vous avez lancé cette chasse ; allez
jusqu'au bout !
    Le lendemain matin, je me mis en
route de bonne heure pour la Tour. Le ciel était dégagé et les étoiles scintillaient
comme des glaçons. Je ne pris pas de barge à cause de l'âpre bise d'hiver.
Owain Ap Ythel et une troupe d'archers montés vinrent me chercher en secret à
Westminster. Le Gallois avait envie de parler de Sandewic. Je le laissai
bavarder pendant que nous cheminions dans les rues désertes. Noctambules et
coquins s'enfuyaient à notre approche et le guet s'écartait pour nous laisser
passer. Le trajet fut lugubre. En parcourant les ruelles sinueuses, on avait
l'impression de traverser une ville de morts. Seuls le flamboiement d'une
torche isolée, le clignotement d'une lanterne, le rougeoiement d'une chandelle
à travers une fenêtre à meneaux ou la fente d'un volet perçaient les ténèbres
environnantes. Un chien hurlait parfois, d'autres lui répondaient, ou bien un
cri retentissait, clair et fort, suivi par le piaillement suraigu d'un enfant.
Je me laissai aller sur la selle du docile cob qu'avait amené Ap Ythel tout en
réfléchissant aux événements de la veille et à mes projets pour la journée. Je
levai les yeux vers le ciel et jurai qu'avant que le soir tombe l'assassin
serait mort et le pouvoir de Philippe mis à mal.
    Nous arrivâmes à la Tour.
J'assistai à la messe du matin à St Peter ad Vincula. Le corps de Sandewic,
enveloppé d'un linceul, reposait dans un cercueil sur des tréteaux, voilé d'un
drap mortuaire noir et or qu'entouraient six cierges funéraires pourpres. On
avait placé la bière juste à l'entrée du chœur. Elle devait y rester jusqu'à ce
qu'on l'emporte pour l'enterrement au couvent des franciscains en face de la
prison de Newgate où Sandewic, en tant que juge, avait si souvent siégé. Je dis
adieu à Sandewic par cette froide matinée, il y a tant, tant d'années.
Maintenant, comme je me suis installée chez les franciscains, je me rends
souvent sur sa tombe dans l'église, mais voilà longtemps que son esprit s'en
est allé. Pourtant, en ce jour de février, il était juste que la dépouille de
mon ami repose là ; l'âme s'attarde quelque temps et il pourrait assister
au jugement qui serait prononcé, au châtiment qui vengerait son meurtre. Le
prêtre psalmodiait les refrains de l'office des morts. Je prêtai une oreille
particulièrement attentive à la lecture du Livre de Job : « Je sais
que mon rédempteur est vivant et qu'au dernier jour il régnera sur la
terre. » Je suppose que l'Ange de la Vengeance peut prendre maintes
formes, même celle d'une jeune femme experte en simples.
    Après la messe, je déjeunai avec
Ap Ythel. Je lui montrai la lettre royale et lui fis part en détail de ce qui
allait se passer. Il cligna des yeux de surprise, mais accepta. Une fois mes
visiteurs arrivés, la chapelle de St Peter devait être cernée d'archers qui
n'interviendraient qu'à mon signal. Quand j'eus terminé mon repas, je retournai
à St Peter et me réchauffai les mains au-dessus d'un brasero. La porte de la
chapelle s'ouvrit et Demontaigu entra.
    — Bonjour, Mathilde. Qu'y
a-t-il ?
    J'allai à sa rencontre au moment
où les cloches de la Tour sonnaient l'heure.
    — Faites ce que je vous
demande, l'implorai-je. Ayez confiance en moi : j'agis sur l'autorité du
roi.
    Je désignai l'huis dans son dos.
    — Installez-vous près de la
porte sur le tabouret du gardien ; sous la tapisserie de laine, vous
trouverez une arbalète, un carquois de carreaux et un ceinturon.
    J'ouïs le claquement du loquet et Sir
John Casales pénétra à grands pas dans l'église.
    — Vous vouliez me voir,
Mathilde ? Il est si tôt.
    — Je vous attendais, Sir
John. De grâce, tirez les verrous.
    Il obtempéra, ôta sa chape qu'il
jeta sur le siège du portier, salua Demontaigu d'un signe de tête et me suivit
dans la nef. Nous passâmes près du cercueil de Sandewic et entrâmes dans le
chœur. Ap Ythel avait installé deux chaires vis-à-vis. Il avait aussi mis la
coupe de Sandewic près de mes fioles et un pichet de clairet sur une petite
table toute proche. Demontaigu, l'air calme et résolu, ferma la porte. Il
enleva la chape de Casales, s'assit et fouilla derrière la tenture en quête des
armes.

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