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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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c'était un homme solitaire, sombre, très
conscient de ce qu'on lui devait et prompt à s'emporter, mais cependant assez
fin pour comprendre l'impatience d'Isabelle. Il sourit, toussota et ouvrit la
bouche, s'apprêtant à répondre. La princesse, assise à sa droite, se pencha et
lui frôla le bras.
    — De grâce, plus de fadaises
ni de cérémonies, le pria-t-elle.
    Casales soupira et s'étira dans sa
chaire. Il était habillé d'une chemise flottante et d'un haut-de-chausses sous
une épaisse chape militaire ; son ceinturon était posé sur le plancher, à
ses pieds. En tant qu'émissaire accrédité, il était l'un des rares à pouvoir
porter des armes en présence du souverain.
    —  Mon seigneur * le
roi, commença-t-il avec circonspection... je le connais depuis aussi longtemps
que je connais Lord Gaveston.
    Il jeta un coup d'œil à Rossaleti
et posa un doigt sur ses lèvres, signe qu'il parlait in secreto, sub sigillo
silentii  — en secret, sous le sceau du silence.
    — Tel père, tel fils,
reprit-il avec lassitude. Mais quelquefois c'est le contraire. Mon seigneur *
n'était qu'un enfant quand Éléonore de Castille, sa mère bien-aimée, a
trépassé. Son époux l'aimait avec passion. Après sa mort, quand on a ramené le
corps à Londres pour l'ensevelir à Westminster, le vieux roi a fait ériger une
croix splendide à chaque endroit où le cortège faisait halte.
    Il jeta un bref regard à Isabelle.
    — Je vous narre ceci afin de
vous montrer l'adoration inaltérable qu'éprouvait Édouard pour sa première
épouse. Quand celle-ci était en vie, la Cour retentissait de musique. Après sa
disparition — il fit une grimace —, ce fut terminé. Pour autant
que je m'en souvienne, la seule fois que le vieux roi a fait appel à ses
ménestrels, c'était pour le distraire pendant que ses médecins pratiquaient une
saignée.
    — Il la chérissait donc
tant ? murmura Isabelle.
    — Oh oui ! acquiesça
Casales. Édouard I er était un homme de fer, au caractère bien trempé.
Il a failli occire un serviteur qui avait blessé son faucon favori. Après le
trépas de sa femme, il n'a plus aimé que ses oiseaux. Quand ils étaient
malades, il allait jusqu'à envoyer des reproductions en cire à leur effigie au
tombeau de saint Thomas Becket à Cantorbéry pour qu'ils guérissent. Il est fort
regrettable, madame, qu'il n'ait pas ressenti pour son héritier ne serait-ce
que la moitié de cette affection. Le prince Édouard a été élevé à part au fond
d'un palais, à Kings Langley, dans le comté de Hertford. Solitaire, il se
livrait à ses propres plaisirs : il s'occupait de ses animaux familiers,
un chameau, un léopard, ou canotait sur la rivière avec Abscalom, son maître
nautonier. Les amitiés avec les fils des valets se sont multipliées ; bien
souvent, le prince prenait part à leurs jeux rustiques et négligeait le code
des armes et la discipline du livre de corne. Il a grandi comme une plante
sauvage. Quand le roi, son père, s'en est rendu compte, il était trop
tard ; l'enfant engendre l'homme. Le prince Édouard était esseulé. Il
cultivait d'étranges rêveries et s'inventait un frère mythique.
    Casales ne releva pas le hoquet de
surprise d'Isabelle.
    — Messire, m'enquis-je,
n'a-t-il pas des frères ?
    — Des demi-frères, précisa
Casales avec un sourire. Les fils de la seconde épouse du feu roi, Marguerite
de France, votre tante, madame, ne sont encore que des poupards. Non, ce que le
prince désirait, c'était un frère, un compagnon. Abandonné de tous, il finit
par en vouloir à son père et tout ceci s'incarna en Lord Peter Gaveston, qui
rejoignit la maison royale en Gascogne. Gaveston, madame, était le frère dont
rêvait le prince, son compagnon à la vie à la mort, qui jouait les Jonathan
pour son David, le prince Édouard.
    Il écarta les bras afin de souligner ce que cela avait
d'inévitable.
    — Les Évangiles le disent,
« l'amour de David pour Jonathan surpassait tous les autres ».
    Il prit une profonde inspiration.
    — L'attachement du prince
pour Gaveston s'est développé ; ils sont devenus une seule âme. Le vieux
roi a protesté, mais son fils a été inflexible. Son père a essayé de le châtier
et de l'humilier, sans résultat. Le prince a même prié son père de faire
Gaveston comte de Cornouailles. Le vieux roi, connu pour son tempérament
irascible, et dont une jambe malade n'adoucissait en rien l'humeur, a attaqué
physiquement

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